Mediapro, qui a acheté à prix d'or les droits de retransmission des matches de Ligue 1 et de Ligue 2, a jusqu'à vendredi pour verser à la Ligue de football professionnel (LFP) les 150 millions d'euros qu'elle lui doit tous les deux mois. Mais le virement d'octobre n'est toujours pas arrivé.
Christophe Lepetit, responsable des études économiques du Centre de Droit et d'Économie du Sport (CDES) explique dans Culture Médiaspourquoi cet imbroglio traine en longueur, alors que Mediapro avait raflé la grande partie des droits du foot français pour plus de 800 millions d'euros par an.
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Une procédure qui freine l'issue
Si l'argent de Mediapro ne rentre pas dans les caisses de la LFP, l'entreprise média continue, elle, de diffuser les matches sur sa chaîne Téléfoot. "Malgré tout, Mediapro a un contrat avec la LFP", rappelle Christophe Lepetit, responsable des études économiques du CDES. Or, une procédure juridique est en cours concernant ce contrat, empêchant pour l'instant d'y mettre un terme.
"La procédure de conciliation qui a été engagée devant le tribunal de commerce de Nanterre retarde la possibilité pour la Ligue de football professionnel d'éventuellement récupérer ses droits, et de les remettre sur le marché ou de les rétribuer à tel ou tel opérateur télévisuel", détaille-t-il.
Malgré ses retard de paiement, Mediapro peut donc continuer de s'appuyer sur son contrat et continuer de diffuser les matches à ses abonnés (moins de 500.000 selon plusieurs médias, sur un objectif de plus de trois millions à long terme...), dont le nombre reste largement insuffisant pour lui permettre de verser les montants dus à la LFP. "Ce qui est assez ubuesque", commente Christophe Lepetit.
Un argument sanitaire qui ne tient pas
Mediapro se refuse à expliquer ses retards de paiement par son nombre d'abonnés plus faible que prévu. Pour le groupe audiovisuel, c'est le contexte de crise sanitaire qui est en cause. Un argument qui apparaît comme "pas du tout" recevable aux yeux de l'expert du Centre de Droit et d'Économie du Sport.
"Il est évident que l'épidémie de COvid-19 a dégradé la qualité générale du football, au niveau européen et même mondial", reconnaît-il. "Malgré tout, contrairement à la fin de saison 2019-2020, les matchs se jouent. Donc les prestations inscrites au contrat sont fournies par la LFP. On ne peut donc pas véritablement accéder à cet argument de Mediapro."
La survie des clubs dans la balance
La situation met gravement en danger les clubs, qui vivent en grande partie des droits TV, dans un contexte où ils ne perçoivent en plus l'argent de la billetterie, les matches se tenant sans public. "Les clubs s'inquiètent, et certains craignent même pour leur pérennité", explique Christophe Lepetit.
Pour le spécialiste, certains clubs pourraient ne pas survivre si le bras de fer entre Mediapro et la LFP perdure. "Dans le pire des cas, on peut avoir des cessations de paiement de la part de certains clubs, si Mediapro paie ou non ce qu'il doit", explique-t-il. "Et selon aussi si la LFP arrive à trouver un diffuseur de remplacement".
Canal+, diffuseur historique, pourrait jouer les sauveurs. Mais le groupe a déjà annoncé qu'il ne le ferait pas sur le modèle du contrat signé avec Mediapro. Et devrait, sans doute, payer un montant bien inférieur.