C’est sans doute la forme la plus insidieuse de censure en matière de liberté de la presse. Celle qui intervient au moment de la diffusion ou de la distribution des journaux. Reporters sans frontière s’est penché sur cette épineuse question, et dresse un rapport alarmant de la situation dans les 90 pays étudiés par l’association. Son secrétaire général a commenté en avant-première son rapport lundi matin sur Europe 1.
"C’est un des angles morts quand on parle d’atteinte à la liberté de la presse", confirme Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF. "On a peu conscience que ces atteintes à la liberté de la presse peuvent se dérouler en aval. Ça valait la peine d’enquêter. C’était une enquête faramineuse, menée dans 90 pays. Et les atteintes à ce moment-là nombreuses. Les censeurs ont toute sorte d’idées, parfois saugrenues, mais qui fonctionnent", explique le journaliste.
"Parfois, les journaux sont saisis, brûlés"
Dans son rapport, RSF pointe que dans 68 % des cas les auteurs des entraves à la circulation des journaux sont les états, et 41 % des cas de censure se produisent au moment de la vente. Et Christophe Deloire de citer cet exemple précis, à Madagascar, quand la Une d’un journal faisait état de la liaison adultérine de la première dame du pays. "Les autorités ont fait acheter chez les vendeurs de journaux tous les exemplaires du journal, pour que les citoyens n’y aient pas accès", assure le secrétaire général de RSF". "Mais d’autres fois, les journaux sont saisis, sont brûlés".
Et d’autre fois, surtout, la censure peut prendre un atour dramatique. Comme au Mexique, où la tradition des crieurs de rue tient encore bon. "Il est arrivé qu’un crieur qui faisait état de l’arrestation de voleurs de motos soit tout simplement assassiné par quelqu’un à qui cette information avait déplu", raconte Christophe Deloire. "Donc parfois on peut trouver que ces atteintes ont des tours assez originaux. C’est souvent terrible en fait".