Si la gauche et son électorat ont célébré la victoire de François Mitterrand, le 10 mai 1981, d'autres se sont montrés beaucoup plus réservés. A l'instar du patronat, très méfiant de l'arrivée d'un socialiste au pouvoir, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République.
"On est étonné aujourd’hui de cette peur panique des chefs d’entreprises français, au moment de l’arrivée des socialistes et des communistes. On oublie qu’il y avait eu les 110 propositions du candidat Mitterrand. Si on les regarde de près, elles étaient catastrophiques pour l’entreprise", assure encore aujourd'hui, au micro d'Europe 1, Yvon Gattaz, qui était en mai 1981 en passe de devenir le président du CNPF, l'ancêtre du Medef.
"A l’époque, ça livrait littéralement les entreprises aux syndicats puisque ceux-ci avaient le droit d’organiser à leur simple demande, sans autorisation de la direction, des réunions politiques", rappelle-t-il. "Ils ne se rendaient pas compte de la monstruosité des propositions! (...) Nous avons été effondrés, pas politiquement mais économiquement", résume Yvon Gattaz.
Il dénonce ce qu'il appelle "le rêve d'utopie socialo-communiste" :
Plus grave, Yvon Gattaz évoque même "un certain nombre de suicides de chefs d’entreprise à cette époque, qui sont passés inaperçus".
Mais trente ans après, l'ancien leader du patronat se montre plus mesuré : "les conséquences ont été moins graves que ce que nous craignions", reconnaît-il, avant de nuancer son constat : "il ne faut pas croire non plus qu’elles étaient négligeables parce qu’il y a eu beaucoup de choses de faites en 1981 qui n’étaient pas favorables à l'économie et aux entreprises : la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures…".
"Mitterrand était très intelligent"
L'ancien président du CNPF admet aussi que "les socialistes ont mis de l’eau dans leur vin". "Nous sommes arrivés par la conviction à sauver les meubles, après quatorze entretiens avec Mitterrand". Le président socialiste a en effet reçu Yvon Gattaz a de multiples reprises à l'Elysée.
Des entretiens dont il se souvient parfaitement : "Mitterrand était un homme extraordinairement intelligent. Et je lui répétais, à chacune de nos réunions : 'vous allez ruiner l'économie donc vous allez ruiner la France'", raconte-t-il. Et d'ajouter : "au début, il a sursauté. Après, il m’a dit : 'vous plaisantez' . Puis, il m’a écouté, avec un certain intérêt".