Le 10 mai 1981, alors que la gauche fête sa victoire place de la Bastille à Paris, le clan Giscard d’Estaing est en pleine déroute. Trente ans après, cette défaite reste un cauchemar.
"Je me réveille avec une otite", se souvient Marie-Hélène Descamps, qui a travaillé sans relâche pendant la campagne électorale. "Ça parait idiot, mais je n’en n’avais pas eu depuis l’âge de 5 ans, j’en n’ai jamais eu depuis. Ça fait trente ans depuis alors est-ce que c’est psychosomatique, peut-être ?", remarque-t-elle. "J’arrive à Paris. On comprend tout de suite ce qui se passe. On est assommé. On était des amis, très proches de Giscard donc tous très tristes. A quelques pas de là, vous avez la rue de Solférino et on entendait les explosions de joie et je dois dire que cela décuplait notre tristesse", poursuit Marie-Hélène Descamps.
"Il recherchait le silence"
VGE n’est pas là. Il est avec son épouse Anémone, dans le château familial à Chanonat dans le Puy-de-Dôme. Il a fait le vide. "C’est un homme relativement seul. Il est chez lui. Je ne dirais pas dans sa tanière. Le président, il n’a envie de voir personne. Dans un cas comme cela, c’est un loup solitaire. Il recherchait le silence", explique l’ancienne attachée de presse. "Et tout ça avec un sentiment d’injustice et d’ingratitude extraordinaire des Français. Quand même ce président avait fait l’interruption volontaire de grossesse, le vote à 18 ans, le TGV. Avec son bilan, on n’aurait peut-être pas pu gagner mais on pourrait au moins réhabiliter son septennat".
"Un sentiment d’injustice et d’ingratitude extraordinaire des Français" :
Ce jour-là, la seule personne à parler au président sortant, c’est son fils, Louis Giscard d’Estaing. Le jeune homme effectue alors son service militaire. Il a même du obtenir une permission pour aller voter. De retour dans sa caserne, loin des siens, il est l'un des tous premiers à connaitre l'issue de l'élection présidentielle.
"Je l’apprends d’abord par mon père vers 18 heures. On savait que François Mitterrand l’emportait", se rappelle Louis Giscard d’Estaing. "Les appelés me disent "est-ce que vous pensez qu’on va être libérés parce que François Mitterrand a promis le service militaire à six mois ?". Je leur ai dit "je crains que vous ne soyez déçus". Ils ont fait un service militaire de 12 mois", conclut-il.
Abandonnés par les chiraquiens
Le président sortant, fragilisé par sa défaite, voit très vite ses soutiens se réduire à peau de chagrin. Les premiers à lâcher VGE sont les chiraquiens qui n'avaient déjà pas beaucoup poussé derrière lui pendant la campagne. L'un de ses plus proches collaborateurs de l'époque, un jeune giscardien qui deviendra ministre par la suite, c'est Alain Madelin. Il se souvient parfaitement du 11 mai, lendemain de la défaite, plus personne ne voulait être sur la photo avec le perdant...
"Sous l’Arc de Triomphe, j’y suis mais on n’est pas nombreux", se rappelle Alain Madelin. " Il n’y a plus qu’une poignée. La rupture à droite avec Chirac laissait des traces très fortes. Il n’y avait plus personne. C’est un peu comme les sorciers dans les tribus primitives qui sont censés amener la pluie. Si la pluie n’est pas au rendez-vous, on a tendance à lyncher le sorcier", compare l’ancien ministre. "Il y avait peut-être un peu de ça d’ailleurs. Beaucoup de gens ont lynché Valéry Giscard d’Estaing, qu’ils avaient soutenu pour ne pas avoir apporté la victoire", résume Alain Madelin.
Après cette défaite, le président sortant a disparu des écrans pendant quelques semaines. Sa première réapparition publique sera au Mont Atos en Grèce où il se laisse photographier dans un monastère. Valéry Giscard d’Estaing veut montrer qu'il est en réflexion et qu'il prend de la distance. Huit mois plus tard, il est simple candidat aux élections cantonales. Agé de 55 ans, il redevient député comme à ses débuts à 32 ans.