"Résister, transmettre, construire". C’est par ces mots que Christine Boutin, candidate assumée de "premier tour" à la présidentielle, a présenté, lundi, son programme pour 2012. Considérant qu’il faut donner à la France "un nouveau souffle", elle a égrainé les propositions (voir ici) de "son projet ambitieux pour le pays". Europe1.fr en a retenues trois et les a soumises aux économistes Philippe Waechter, directeur de la Recherche Economique à Natixis Asset Management, Eric Heyer et Guillaume Allègre de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Voici leurs décodages.
>> La proposition de Christine de Boutin : "Création d’un revenu de base pour tous les citoyens de 400 euros par mois pour les adultes et de 200 euros par mois, de la naissance à 18 ans, au lieu et place de la myriade d’allocations existantes".
Le point de vue des économistes : "Il y a 15 millions de mineurs en France et 48 millions d’adultes. La proposition de Christine Boutin se chiffre, donc, à 198 milliards d’euros par an. Soit 10 % du PIB. 68 % du budget de l’Etat. Cela dépasse très très largement le niveau des aides existantes. Et c’est trois fois le niveau de l’impôt sur le revenu", constate Guillaume Allègre de l’Observatoire français des conjonctures économiques.
De plus, "on ne sait pas encore quel périmètre ce revenu couvrira. Se substituera-t-il, par exemple, au minimum vieillesse de 742 euros ou y aura-t-il des rallonges pour ces bénéficières ?", s’interroge encore l’économiste, s’étonnant que Christine Boutin souhaite conditionner son ralliement à Nicolas Sarkozy à un compromis sur cette proposition. "Son projet va clairement à l’encontre de la politique actuelle. Le revenu de base de Christine Boutin est inconditionnel et individuel. Or le gouvernement réfléchit de plus en plus à la conditionnalité des aides, selon les modalités bien connues : 'à la condition de chercher un emploi', 'à la condition de faire 7 heures des travaux d’intérêt général', etc. Autre contradiction : certaines aides sont attribuées en fonction des revenus du foyer, pas celui des individus. La base est familiale et non individuelle".
>> La proposition de Christine de Boutin : "Interdire les produits purement spéculatifs".
Le point de vue des économistes : "Aucun problème, si on arrive à définir ce que sont les produits spéculatifs. Moi, je ne sais pas ce que c’est. Faut-il supprimer les matières premières comme le blé, qui ont été les premiers produits spéculatifs ? Ou les produits purement financiers ? Si Christine Boutin a la réponse, je suis preneur", ironise Philippe Waechter, directeur de la Recherche Economique à Natixis Asset Management, visiblement sceptique sur la faisabilité d’une telle proposition. "Et si on identifie clairement ces produits spéculatifs, rien ne dit qu’il est souhaitable pour la France que cette activité se déplace ailleurs, sur la place boursière de Londres par exemple".
"Certains pays ont supprimé les ventes à nu, jugées purement spéculatives. Mais ces produits sont minimes et ne représentent pas plus de 2% des mouvements spéculatifs", renchérit Eric Heyer de l’OFCE. "Le gros de la spéculation se fait ailleurs", ajoute-t-il, avant d’étayer son propos : "Sur les monnaies par exemple. Et, on ne va pas interdire l’euro ou le dollar"…
>> La proposition de Christine de Boutin : "Mettre en place dans les Etats volontaires une monnaie complémentaire (en France, l’euro-franc), en parallèle à l’euro, pour relocaliser l’économie".
Le point de vue des économistes : "On a créé une monnaie unique pour éviter la dévaluation compétitive entre pays européens, pour gagner en compétitivité. La proposition de Christine Boutin consiste à renoncer à cette zone optimale", estime Eric Heyer.
Et puis, "à la lecture de cette proposition, on se demande comment se ferait la parité avec l’euro. Comment évoluerait un double système comme celui-ci. Selon quel court évoluerait la parité entre l’euro et l’euro-franc", questionne, pour sa part, Philippe Waechter.
Au final, les économistes sont sceptiques sur la faisabilité de ce programme qui suscite pour le moment plus de questions que de réponses.