Il ne le fait pas pour porter une famille politique : il n’en a plus. Pas non plus poussé par un élan populaire : il n’est crédité que de 1% des intentions de vote. Contre toute attente, Dominique de Villepin a annoncé, dimanche soir, sa candidature à la présidentielle. Voulant incarner, à 58 ans, le De Gaulle de 2012, l’ancien Premier ministre a promis d’être au "rendez-vous de la vérité". Mais isolé et disposant de soutiens réduits à peau de chagrin, Dominique de Villepin peut-il tenir jusqu’en mai ? Ou espère-t-il, en fait, autre chose ?
Une crise d’orgueil
Sûr de son destin, le principal intéressé - qui n’a jusqu’à présent jamais affronté le suffrage universel - martèle être là pour de bon. Pas question, selon lui, "de dealer" avec qui que ce soit, a-t-il insisté sur TF1. L’homme est sûr de ses chances et de son destin. Il a forgé son ambition politique lors de causes "perdues", comme celle de la candidature de Jacques Chirac en 1995, sur lequel il fut l’un des rares à miser.
Et puis, il faut bien l’avouer, Villepin se voit en héros, en héros d’une France "qui n’a cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes". "Il se rêve en homme providentiel", prévenait déjà Libération, en avril dernier. C’est bien simple, dimanche soir, "Dominique de Villepin ne s’est pas déclaré candidat, il s’est fait, à lui-même, une déclaration d’amour", ironise sur Twitter, l’avocat Jean-Marc Fedida, qui a ferraillé contre lui dans l’affaire Clearstream.
Tout cela ressemble bien à "une crise d'ego", résume, sous couvert d’anonymat, un ministre.
Eviter une "borlooisation"
L’initiative villepinesque est, en effet très personnelle. L’ancien Premier ministre, écarté de la majorité depuis le départ de Jacques Chirac, a vu ses principaux soutiens - Georges Tron ou Marie-Anne Montchamp - l’abandonner pour le camp Sarkozy.
Isolé, l’ancien ministre cherche donc à se replacer sur l’échiquier politique et éviter une "borlooisation". Il sait, en effet, que sans cette candidature - fusse-t-elle éphémère - il serait immédiatement relégué au deuxième voire troisième plan.
"Il veut montrer qu'il existe, qu'il ne faut pas l'oublier, qu'il a encore quelque chose à dire et à faire pour son pays", commente, sur France Inter Eric Raoult, député UMP.
Occuper le terrain face à Sarkozy
Avec cette candidature, "Dominique exerce également sa capacité de nuisance", estime le socialiste Jean-Christophe Cambadélis. Sur son blog, le député rappelle, en creux, les rivalités anciennes et estime que l’ancien ministre veut "occuper le terrain pendant que Nicolas Sarkozy n’est pas là".
Même si Dominique de Villepin promet "avoir laissé de côté la rancœur", les commentateurs, eux, n’oublient pas les luttes fratricides entre les deux "fauves" de la droite et la blessure d’orgueil de Dominique de Villepin, traîné par le chef de l’Etat dans les tribunaux pour répondre de la machination Clearstream.
Ira-t-il jusqu’au bout ?
Voilà pour la motivation sans faille de l’homme. Mais après ? "Ira-t-il jusqu'au bout ?", se demande Jean-Luc Benhamias, vice-président du Modem, avant de répondre lui-même à la question : "Je n'en sais rien. J'en connais les difficultés. Avoir les signatures de maires, ce n'est facile pour un homme qui n'a jamais été élu même s'il a eu de hautes responsabilités au niveau de l'Etat. C'est compliqué de penser qu'il puisse aller dans cette campagne jusqu'au bout vu la manière dont il s'y prend".
Seul candidat sans parti politique - il a quitté il y a quelques mois son propre mouvement République solidaire - Dominique de Villepin n’a, en effet, aucune assurance d’obtenir les 500 parrainages présidentiels. Même s’il en a déjà "pas mal", selon ses proches.
Sans assise financière, son épopée se fera chichement, surtout "dans les médias" et risque donc de tourner court, d’autant que de nouveaux ennuis judiciaires semblent l’attendre au tournant. Un de ses proches est, en effet, mis en cause dans l’affaire d'escroquerie instruite au sein de l'association Relais & Château.
Côté programme rien de glorieux non plus : Dominique de Villepin a présenté, en avril dernier, des propositions tièdement accueillies, dont "un revenu citoyen" de 850 d’euros pour un coût d’environ 30 milliards d’euros. Un projet "totalement irresponsable" et "déconnecté de la réalité", pour l’UMP Marc-Philippe Daubresse.
Une candidature pour "négocier quelque chose"
Au final, tout cela donne "l'impression que Dominique de Villepin est très isolé et que sa candidature n'ira pas jusqu'au bout, et que c'est pour négocier quelque chose. Quoi ? Je ne sais pas", a commenté un ministre sous le sceau de l'anonymat, estimant que l’ex-Premier ministre n’est candidat que pour faire monter les enchères.
"On peut être candidat en décembre et soutien en mars", estime aussi Eric Raoult, député UMP.
Dans ce cas, cela peut se terminer de "manière un peu pitoyable pour lui", prédit, sur France Info, Alain Minc, conseiller officieux de Nicolas Sarkozy. "Je pense vraiment qu'il sera sur la trajectoire de Michel Debré en 1981 : 1 % des voix".