L'autre "M. Normal" de l'exécutif, Jean-Marc Ayrault prononce mardi à l'Assemblée nationale son discours de politique générale, exercice traditionnel et imposé durant lequel le chef du gouvernement doit préciser comment seront tenus les engagements de campagne de François Hollande. En quoi consiste ce grand oral ? Quels en sont les enjeux ? Quels sont des pièges à éviter ? Revue de détails.
• Un exercice quasi-obligatoire
Comme les autres Premiers ministres avant lui, Jean-Marc Ayrault devra mardi, pendant une heure environ, livrer les grands axes des réformes du quinquennat à venir. Ce discours de politique générale est une tradition sous la Ve République. Seul, Raymond Barre en 1976, en plein choc pétrolier a, jusqu’à présent, osé sécher ce grand oral devant l’Assemblée nationale.
Après un discours de politique générale, il est également de coutume que le Premier ministre engage - et ce sera le cas de Jean-Marc Ayrault - la responsabilité de son gouvernement lors d'un vote, appelé aussi "question de confiance". Cette pratique relevant l’article 49 alinéa 1 de la Constitution, ne sera que pure formalité pour le Premier ministre de François Hollande, le PS et ses proches alliés détenant la majorité absolue des 577 sièges.
Cette question de confiance n'étant pas obligatoire, plusieurs Premiers ministres se sont déjà soustraits à cette pratique. Ce fût le cas pour Maurice Couve de Murville (en 1968), Michel Rocard (en 1988), Édith Cresson (en 1991) et Pierre Bérégovoy (en 1992), qui ne disposaient pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale.
• L’occasion de marquer son style
Pouvant durer près de deux heures, (1h45 pour Balladur en 1993), le discours de politique générale est aussi l’occasion d’imprimer son style pour le locataire de Matignon. Certes, l’exercice est contraint, mais les Premiers ministres ont une infime marge de manœuvre pour surprendre. Frondeur, Jacques Chaban-Delmas avait su marquer les esprits, en 1969, dans un discours digne d’un chef d’Etat, prônant l’avènement d’une "nouvelle société, prospère, jeune, généreuse et libérée".
Plus tard, en 1988, Michel Rocard avait également séduit dans une allocution articulée autour "du rêve et du pragmatisme politique". En revanche, en 1962, Georges Pompidou, avait complètement raté son grand oral. Les députés l’avaient alors trouvé ennuyeux, sans souffle, sans grande envergure.
Un discours de politique générale est aussi l’occasion de glisser quelques références littéraires ou historiques. En 1993, Edouard Balladur, dans le plus long discours de politique générale de l'histoire de la Ve République (près de deux heures), avait ainsi proposé aux députés de s’inspirer de Marc-Aurèle : "l’obstacle est matière à l’action", assurait-il alors.
• L’opportunité d’annoncer des mesures concrètes
Sans faire dans le catalogue de réformes, le Premier ministre se doit également de dévoiler quelques mesures phares dans son discours. En 1981, Pierre Mauroy avait, par exemple, annoncé des nationalisations massives et la réduction du temps de travail, promettant les 35 heures aux salariés (>> Lire son discours).
En 2005, Dominique de Villepin lui avait dégainé une réforme surprise sur le front du chômage des jeunes : il avait alors promis de mettre en place un certain Contrat Nouvelle Embauche. Le CNE qui deviendrait plus tard, le CPE…
• L’occasion de rassembler (ou pas) les députés
Prononcer un discours de politique générale est aussi l’occasion de partir d’un bon départ avec sa majorité. En 2002, Jean-Pierre Raffarin avait régalé l’Assemblée avec ses Raffarinades : "l'abstention à ce niveau n'est plus de l'indifférence mais de la défiance" ; "la route est droite, mais la pente est forte", etc…
En revanche, en 1992, Edith Cresson, première femme Premier ministre avait échoué à convaincre les députés de l’opposition… et ceux de sa propre majorité. Quelques mois plus tard, Pierre Beregovoy lui aussi commettait l’impair de menacer les députés de l’opposition de révéler une liste d’élus corrompus, créant le scandale.