Mercredi, la séance de questions au gouvernement a été, sans surprise, consacrée pendant une demi-heure à l'affaire Cahuzac, au lendemain des aveux de l'ancien ministre. L'occasion pour la droite d'accuser le gouvernement, et tout particulièrement Pierre Moscovici, d'avoir protégé son collègue du Budget, qui était placé sous sa responsabilité.
Que reproche l'opposition à Pierre Moscovici ? Si le ministre de l'Economie est la cible des attaques virulentes de l'opposition, c'est parce que, en tant que ministre de l'Economie, il a la main haute sur tout ce qui se passe à Bercy. Et beaucoup, dans les rangs de la droite, estiment qu'il n'a pas poussé assez loin les investigations lancées après les révélations du site Mediapart, en décembre dernier.
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C'est le cas notamment de Christian Jacob, le président du groupe UMP à l'Assemblée, mercredi après-midi. : "On ne peut pas se contenter d'un lapidaire 'je ne savais pas'. Oui ou non, Pierre Moscovici a-t-il voulu le blanchir en utilisant les prérogatives liées à ses fonctions ?"
La lettre qui a été adressée à la Suisse. Le ministre de l'Economie aurait en effet géré personnellement tout le dossier Cahuzac. "A partir du 10 décembre, tout sujet concernant Jérôme Cahuzac, tout sujet concernant la banque UBS, était traité en direct par Pierre Moscovici", explique Bruno Bézard, le directeur général des finances publiques.
C'est donc sous l'autorité directe du ministre qu'aurait été envoyée, le 24 janvier, une lettre adressée aux autorités suisses. Celle-ci leur demandait si Jérôme Cahuzac avait détenu un compte chez UBS entre 2006 et 2013, ou bien s'il en avait clôturé un pour le transférer ailleurs au cours de cette période. Avant 2006, les faits sont considérés comme prescrits.
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Qu'a répondu la Suisse ? A question précise, réponse précise. "La réponse des Suisses a été qu'il n'y avait pas d'avoirs ni de compte clôturé sur la période concernée", assure Bruno Bézard, qui a reçu le document et affirme ne l'avoir transmis qu'à la police judiciaire, dès le lendemain matin. De quoi, en apparence, blanchir Jérôme Cahuzac. Le problème, c'est que le courrier ne dit rien sur les années précédentes, ni sur d'éventuels comptes détenus dans d'autres banques en Suisse.
Difficile pourtant pour Bercy de faire autrement que d'envoyer une question ultra-précise. Les autorités suisses n'aiment pas trop voir la justice étrangère mettre son nez dans les coffres des banques helvètes. Elles ne répondent donc que quand les arguments de la question leur conviennent, et n'hésitent pas à rejeter les demandes inadaptées : sur 72 demandes formulées par la France depuis 2010, à peine 23 ont obtenu une réponse de Berne. Impossible dans ces conditions, de se contenter d'une formulation vague, qui se serait vue opposer une fin de non-recevoir.
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La réponse de Moscovici. De son côté, le ministre de l'Economie s'est défendu mercredi d'avoir couvert Jérôme Cahuzac. "Je n'ai jamais eu la volonté de blanchir ou d'innocenter Jérôme Cahuzac", a-t-il déclaré. Dans un communiqué, il affirme "rejeter fermement toutes allégations de dissimulation et de complaisance dans la gestion de ce dossier, qui a au contraire fait l'objet d'un traitement scrupuleux et rigoureux par l'administration fiscale, avec la volonté d'établir la vérité".
Le ministre affirme par ailleurs avoir "été utilisé" dans un entretien à Mediapart (article payant) et se défend d’avoir commis la moindre faute en faisant une demande d’entraide à l’administration fiscale suisse, en parallèle de l'enquête préliminaire menée par la justice. "Je n’ai cherché ni à entraver la justice ni à blanchir un “copain”, explique-t-il à Mediapart. "Jérôme Cahuzac avait fait une demande mal formulée auprès d’UBS. J’ai demandé de faire jouer la convention fiscale avec la Suisse. Il ne s’agissait pas d’entraver la justice, de faire une enquête parallèle. J’ai été au service de la vérité", assure le ministre de l'Economie.