Depuis plusieurs jours, l’affaire Tapie occupe le devant de la scène et les conversations. Pourtant, l’UMP reste sur cette affaire d’une ostensible discrétion. Rares sont les ténors de l’ancien parti majoritaire qui s’expriment sur le sujet, et, quand ils le font, c’est pour délivrer le moins de commentaires possible. Pourtant, les sujets de conversation ne manquent pas, avec notamment la récente mise en examen de Stéphane Richard pour "escroquerie en bande organisée" et la volonté affirmée du gouvernement de revenir sur le fameux arbitrage qui a octroyé 403 millions d’euros à Bernard Tapie en 2008. Le hic pour l’UMP, c’est que cette affaire touche des personnalités chères au mouvement. Jusqu’à Nicolas Sarkozy.
"Laissez la justice faire son travail." D’ordinaire, il ne faut pas trop pousser pour que les leaders de l’UMP commentent longuement l’actualité. Pourtant, sur l’affaire Tapie, ils ont tendance à coupé court. "Je n'ai pas d'avis, ce n'est pas à moi d'en avoir", a ainsi éludé Jean-François Copé sur BFMTV jeudi. Guère plus prolixe, Christian Jacob a lui aussi joué l’agacement au moment d’être interrogé. "Il faut arrêter systématiquement de nous faire commenter à nous les hommes politiques telle ou telle fuite, telle ou telle information, tel ou tel rebondissement. La justice est saisie, laissons les juges travailler", a lancé le président du groupe UMP à l’Assemblée jeudi sur i-Télé. Quant aux autres ténors, ils sont dans l’ensemble aux abonnés absents.
Des personnalités inquiétées. La raison de ce silence s’explique aisément. L’affaire Tapie mouille en effet des personnalités issues du mouvement. Ainsi Christine Lagarde, ex-ministre des Finances, de juin 2007 à juin 2011, qui avait validé le recours à l’arbitrage, a-t-elle été placée sous statut de témoin assisté. La justice est allée plus loin pour Stéphane Richard, ancien directeur de cabine de la même Christine Lagarde au même ministère des Finances. L’actuel PDG d’orange a été mis en examen mercredi pour un chef d’accusation particulièrement lourd, "escroquerie en bande organisée". Et ce n’est pas fini.
"Le prochain, c’est Guéant". D’autres personnalités pourraient en effet être inquiétées à leur tour. Claude Guéant, notamment, doit d’attendre à recevoir sous peu une convocation. Le nom de l’ancien secrétaire général de l’Elysée revient avec insistance. Nicolas Sarkozy en personne renvoie vers lui auprès de ses proches. En outre, les enquêteurs qui ont déjà perquisitionné son cabinet et son domicile. "Le prochain, c'est Guéant, c'est sûr", pronostiquait jeudi un responsable de l'UMP.
L’ombre de Sarkozy. Son nom n’est en revanche jamais cité, ou presque. Mais se pose forcément la question du rôle de l’ancien chef de l’Etat dans cette affaire Tapie, et notamment dans le choix de recourir à un arbitrage. Dernier épisode en date : la révélation de réunions en présence de Bernard Tapie à l’Elysée du temps où Nicolas Sarkozy était l’occupant des lieux. En privé, l’ancien chef de l’Etat se dit "serein". Dans son camp, où beaucoup comptent sur lui pour regagner le pouvoir en 2017, le silence des troupes laisse pourtant bien poindre une vraie inquiétude.
Seul Guaino… Finalement, seul Henri Guaino, dont la parole semble s’être libérée depuis son départ de l’Elysée et son élection à la députation dans les Yvelines, a livré son sentiment brut, s’attaquant à la qualification d’"escroquerie en bande organisée". "Cette qualification est choquante, elle laisse penser qu'on peut voir l'Etat, le gouvernement de la France, dirigés par des escrocs en bande organisée, c'est quelque chose qui affaiblit l’Etat et la République", s’est-il emporté lors d’une émission sur Échos-TV. "Je n'arrive pas à me faire à l'idée que j'aurais pu travailler avec des escrocs organisés en bande", a insisté l'ancienne "plume" de Nicolas Sarkozy. Celui qui s’était érigé en héraut de la lutte contre le mariage gay vient peut-être de trouver son nouveau cheval de bataille.