Le poing droit levé bien haut, le cheveu coupé court, Arlette Laguiller commençait presque toujours ses discours par le désormais célèbre "travailleurs, travailleuses". Cette image faisait partie du paysage politique français. Mais après six campagnes présidentielles, la porte-parole de Lutte Ouvrière a décidé de passer le relais à Nathalie Arthaud, en 2008. Convaincue de sa retraite politique, elle continue néanmoins à militer avec autant de vigueur.
"Aider les camarades"
Elle a débattu avec Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy. A 71 ans, toutes ces joutes oratoires sont derrière elle. Mais si ce n’est pas elle qui portera les couleurs de Lutte Ouvrière en 2012, pas question pour autant de baisser les bras. "Des raisons de s’indigner, il y en a tous les jours", explique-t-elle avec beaucoup de calme. Et de poursuivre : "je ne me présente plus à l’élection présidentielle mais ce n’est pas pour ça que je ne suis plus militante".
Arlette Laguiller continue d’ailleurs d’aider ceux qu’elle a toujours appelés ses "camarades", des salariés lambda "en grande difficulté face à la crise économique". Début septembre, elle était à Gémenos, dans les Bouches-du-Rhône, pour se battre aux côtés des 134 salariés licenciés de l’usine Fralib. La semaine dernière, nouveau combat à Ingrandes, dans le Poitou. Arlette Laguiller n'a pas hésité à prendre la parole pour soutenir les salariés des Fonderies Montupet, en grève depuis près d’un mois. Samedi, elle a manifesté contre la fermeture d'une maternité aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, là où elle a grandi.
Mai 68, toujours en mémoire
Sur le terrain, Arlette Laguiller ne cherche jamais à tirer la couverture à elle. "Elle a toujours été simple", nous raconte Marc, militant depuis plus de dix ans. "Elle rassure les salariés qui sont en difficulté, sa voix est toujours très écoutée". Pour Arlette Laguiller, visiblement pas fatiguée d'arpenter les routes de France pour "faire face aux attaques patronales", il s’agit simplement "d’aider les travailleurs en difficulté".
Car il est bien une chose qu’on ne peut reprocher à cette retraitée de la politique, c’est de servir ses propres intérêts. Quand on lui demande de revenir sur sa carrière, elle coupe tout de suite la parole : "je n’ai jamais eu de carrière personnelle. J’ai toujours été une simple représentante des militants".
Pas question de revenir non plus sur son bon score à la présidentielle de 2002 (5,72 %), ni sur l'échec de 2007 (1,34 %), Arlette Laguiller préfère le collectif à ce "je" qui ne lui correspond pas.
Et c'est toujours la même force collective qui la fait vibrer. Ses plus beaux souvenirs après 50 ans de lutte politique ? Sans hésitation, "mai 1968 et la grève des banques de 1974". Et d'expliquer : "quand la classe ouvrière se soulève, c’est toujours un bon souvenir".
Un cordon difficile à couper
Mais après la "défaite sur les retraites" comme elle le rappelle avec une certaine amertume, l'ex-leader de Lutte Ouvrière a trouvé en Nathalie Arthaud sa fille spirituelle pour défendre ses idées. Elle revisionne toutes ses interventions télévisées et ne manque jamais de lui glisser un conseil. Car si elle est consciente que les mouvements sociaux s'essoufflent, Arlette Laguiller est incapable d'abdiquer. "Il existe des luttes un peu partout en France. Il faut juste que les actions se coordonnent". Et pour ça, son discours n'a pas jamais changé. "Une seule solution, luttons groupés".