Ses déclarations ont fait l’effet d’une bombe dans le camp socialiste et parmi les membres du gouvernement. En affirmant dans une interview accordée au JDDque l’Etat n’avait "pas de tabou ni de posture" et qu’il fallait "s’attaquer aux 4 milliards de déficit de l’assurance-chômage", Emmanuel Macron ne s’est pas fait que des amis à gauche et chez les partenaires sociaux qu’il a sommé de "faire avancer les choses" sans quoi le gouvernement prendrait les choses en main.
Les yeux doux à Bruxelles. Au-delà de la colère qu’a provoquée cette déclaration dans leurs rangs, les syndicats voient là une manœuvre de Bercy destinée à rassurer la Commission européenne sur la capacité du gouvernement de mener à bien les réformes pour limiter les déficits en France. Stéphane Lardy secrétaire confédéral de force ouvrière (FO) est avant tout "surpris de voir que le gouvernement a accepté une convention d’assurance-chômage en mars dernier sans rien faire savoir de son désaccord". Une surprise feinte puisque le syndicaliste voit bien l’intention d’Emmanuel Macron "d’envoyer un message à Bruxelles" avant l’examen du budget 2015 qui pourrait s’avérer délicat. Stéphane Lardy déplore l’attitude du gouvernement qui "recule" face "aux lobbys des taxis, des autoroutiers", mais qui n’hésite pas à "taper sur les demandeurs d’emplois les plus faibles".
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Une cacophonie gouvernementale ? La déclaration dérange aussi au gouvernement, puisqu’elle s’inscrit dans une succession de déclarations contradictoires. En début de semaine, Manuel Valls ouvre le débat sur l’assurance-chômage, il est rapidement recadré par François Hollande, avant donc qu’Emmanuel Macron ne revienne sur des positions plus radicales. Une cacophonie et une remise en cause de la parole présidentielle qui ont suscité la colère de Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS : "Il n’y a pas de tabou à gauche, il y a des totems, et le premier d’entre eux c’est que quand le président parle les ministres ne viennent pas derrière le contredire."
Les députés, les "frondeurs" en tête, ne se sont pas fait prier pour critiquer les positions libérales d’Emmanuel Macron au micro d'Europe 1. Laurent Baumel, député d’Indre-et-Loire, parle de "coming-out libéral", tandis que Pascal Cherki voit là un "défaut de sensibilité complète à l’égard des électeurs de gauche".
Baumel : "au mieux, Macron donne des éléments pour essayer de rassurer Bruxelles... ou alors il est dans des provocations idéologiques"— Aurélie Herbemont (@aurelherbemont) 12 Octobre 2014
Rihan Cypel : "faut pas chercher à angoisser les électeurs de gauche. On doit lutter contre le chômage, pas contre les chômeurs" #macron— Aurélie Herbemont (@aurelherbemont) 12 Octobre 2014
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Ou une réforme approuvée par Matignon et l'Elysée ? Aurélie Herbemont, journaliste politique à Europe 1 analyse : "Soit c’est du cafouillage, soit des vraies divergences, soit un coup de billard à plusieurs bandes. Valls lance ce sujet explosif, Hollande temporise, mais l’interview de Macron ne s’est pas faite dans le dos de Matignon ou de l’Elysée. A Matignon, on dit que le ministre est dans son rôle, alors que Gaspard Ganzer, le conseiller communication de l’Elysée, a retweeté l’interview ce matin. La clé de cette histoire c’est peut-être le contexte : le budget 2015 de la France bientôt décortiqué par Bruxelles, la menace du rejet pousse le gouvernement à laisser la frange libérale monter au front."