Cette fois, elle est définitivement sortie de son silence. Dimanche dans le JDD, puis lundi matin sur France Inter, Martine Aubry a critiqué la politique économique du gouvernement, appelant à la "réorienter". Une douce musique aux oreilles des "frondeurs" du Parti socialiste, ces élus qui s'opposent à la politique de l'offre et de réduction des déficits que mène l'exécutif.
Dès dimanche, plusieurs personnalités de l'aile gauche du PS ont ainsi salué les propos de Martine Aubry. Mais au-delà d'une participation au "débat d'idées" que la maire de Lille appelle de ses vœux, quel rôle les frondeurs la voient-ils jouer ? Pourrait-elle devenir leur leader, histoire de donner plus de poids à un message que François Hollande et Manuel Valls refusent d'entendre ?
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"Nous ne cherchons pas un chef". "Je ne l'imagine pas une seconde prendre une position pour ensuite se replier sur son Aventin", déclare à Europe1.fr Pouria Amirshahi (photo), député des Français de l'étranger, l'un des 32 socialistes qui n'ont pas voté la confiance au Premier ministre en septembre. "Ce qu'elle dit est utile, donne de la force à notre propos, mais doit aussi s'inscrire dans une stratégie de mise en commun des hommes et femmes de bonne volonté qui ne se résignent pas à la politique menée, comme elle l'affirme elle-même".
Pour autant, chez les frondeurs, on se porte très bien sans patron, merci. "Il faut dépasser nos différentes chapelles pour former un rassemblement très large. Mais notre problématique n'est pas du tout de nous chercher un chef ou un porte-voix", affirme encore Pouria Amirshahi.
Même tonalité chez Laurent Baumel (photo), député "frondeur" d'Indre-et-Loire : "Quand Montebourg a quitté le gouvernement, on nous a posé exactement la même question, et il ne s'est finalement rien passé", rappelle-t-il. "Nous préférons parler du fond. Montebourg avait raison, Aubry a raison, ses déclarations nous aident, et nous allons continuer notre combat au Parlement. Mais la question du leadership ne se pose pas dans l'immédiat".
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Aubry ne veut pas "être un recours". De son côté, Martine Aubry n'est officiellement candidate à rien. "Je ne souhaite pas être un recours", a assuré lundi sur France Inter celle qui dit n'avoir "pas vocation à organiser l'opposition au gouvernement". Même si la maire de Lille a tout de même salué dans le JDD les "propositions" des frondeurs, un terme qui lui semble d'ailleurs inapproprié : "ne peut-on arrêter d’appeler 'frondeurs' des députés qui connaissent l’économie, souhaitent le succès du gouvernement, et portent une vision de la Ve République où le Parlement est pleinement respecté dans ses prérogatives ?", s'est-elle insurgée. Une manière de rendre hommage aux trublions de la majorité.
Laurent Baumel abonde, en des mots très choisis : "il faut la prendre au sérieux lorsqu'elle dit que ses propos n'ont pas vocation à la conduire à un débouché institutionnel. Sans être aubryste, je crois assez sincèrement que ce n'est pas son sujet, d'autant que la question de la présidentielle de 2017 est totalement prématurée". Et Matignon ? "Elle n'ira jamais tant que la ligne politique restera la même", assure le député.
Rendez-vous au congrès. Reste que Martine Aubry, qui compte plusieurs fidèles chez les "frondeurs", compte bien apposer de nombreux noms d'élus sur sa contribution aux Etats généraux du PS, qu'elle a publiée dimanche. Mais la prochaine échéance cruciale sera sans doute le prochain congrès du parti, dont le choix de la date fait tellement polémique qu'une commission a été mise en place pour en discuter…
En attendant, l'aile gauche s'impatiente. Lundi, le sénateur Gaëtan Gorce a appelé sur son blog le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis à "prendre ses responsabilités" en convoquant un Conseil national "pour débattre de la ligne suivie par le gouvernement et décider si le PS l'approuve ou préfère l'infléchir". Martine Aubry doit savourer.