Aubry à Lille et Hollande à Paris, les finalistes de la primaire PS ont jeté leurs dernières forces dans la bataille jeudi soir avec un dernier meeting de campagne, à trois jours du second de la primaire d'où sortira le candidat PS pour 2012. Très offensive sur sa "gauche forte", Martine Aubry avait choisi son fief de Lille. François Hollande, qui s'est posé en rassembleur, était lui au Bataclan, une salle de spectacle à Paris.
Des finalistes très entourés
Au Palais des sports de Lille, dont elle est maire, Martine Aubry est arrivée vers 19h30, tailleur pantalon noir, sous les acclamations de plus de 3.000 personnes, agitant des drapeaux aux couleurs du PS et des primaires et scandant "Martine président". "J'entends beaucoup parler de rassemblement ces derniers jours mais moi j'ai un avantage, je l'ai fait ! Le rassemblement des socialistes, il est là ! Nous l'avons déjà fait!', a-t-elle lancé avec fermeté, devant ses soutiens politiques, François Lamy, les deux ex-premiers ministres Laurent Fabius, Pierre Mauroy, Bertrand Delanoë, Jean-Christophe Cambadélis, Benoît Hamon ou Henri Emmanuelli. Son mari Jean-Louis Brochen est là aussi. Stephane Hessel l'a soutenue, via un message vidéo.
A 19h40, François Hollande est lui entré très applaudi par quelque 1.500 personnes sur du rap et des "François président", suivi par Manuel Valls et Jean-Michel Baylet, qui l'ont rallié. Une poignée de militants ségolénistes était là, avec leur chèche rouge ainsi que Dominique Bertinotti, directrice de campagne de Ségolène Royal. Un message de cette dernière expliquant son ralliement, a été lu. Dans l'assistance, notamment Jack Lang, Denis Podalydès, Robert Hue, Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici, Vincent Peillon, Marisol Touraine, Aurélie Filippetti.
"Une gauche forte qui s'attaque au système"
Du côté des discours, Martine Aubry a repris son credo de la "gauche forte". "Face à une droite dure, je veux une gauche forte qui s'attaque au système et pas seulement qui veut le replâtre", a martelé la maire de Lille. Elle a énuméré une longue liste de thèmes. "Nous continuerons à défendre la taxation des profits, si nous entrons au capital des banques nous entrerons avec un droit de vote nous imposerons que cet argent aille dans l'économie réelle, nous interdirons la distribution des dividendes tant que la crise est là", a clamé Martine Aubry en direction des proches d'Arnaud Montebourg, choyés également par une affirmation du "juste échange".
Les fléchettes visant son rival ont aussi fusé : "Je ne me contenterai pas d'être une bonne gestionnaire" comme ceux qui ont "accepté la règle d'or", "il ne s'agit pas de donner des chiffres pour paraître sérieux" mais de "s'attaquer réellement au changement", "je le dis et le redis, pour moi le cumul des mandats, c'est en 2012 et pas à la Saint Glinglin". "Certains naissent et grandissent avec la certitude d'être appelés à des fonctions suprêmes, ils se veulent président avant même d'être élus, et élus d'ailleurs avant même d'être désignés. Je ne fait pas partie de ces gens-là", a asséné Martine Aubry dans une charge qui a surpris jusqu'à son auditoire.
"La gauche forte, c'est celle qui ne tremblera devant l'impôt, la réforme fiscale sera mise en place mais avec du temps, si on ne sait pas que cela prend du temps, c'est qu'on ne connaît pas le sujet", a aussi lancé la candidate en direction de François Hollande.
"J'attends le duel en 2012", a-t-elle conclu vers 21h45. "Je serai votre drapeau et votre voix (...) Plus jamais, vous n'aurez honte de la France ! Ensemble nous allons tourner la page du sarkozysme !".
Les ombres de Montebourg et Royal au Bataclan
A 20 heures, François Hollande a lui commencé son discours en s'adressant au troisième homme" de la primaire, Arnaud Montebourg, qui n'a pas encore donné de consigne après avoir récolté 17,2% des voix le 9 octobre, lors du premier tour . "Arnaud, je ne voudrais pas peser sur sa décision mais en même temps j'entends aussi ce que les électeurs ont voulu dire", a-t-il dit, déclenchant dans la salle des "Arnaud, avec nous !" S'adressant au chantre de la "démondialisation", il a aussi rappelé son souhait de lutter contre les paradis fiscaux et d'organiser un contrôle partiel des banques où l’État est entré dans le capital.
Éducation, jeunesse, réforme fiscale, critique de la présidence Nicolas Sarkozy où "rien n'a été normal", François Hollande a ensuite égrené ses thèmes chers, et fait des clins d'oeil à Ségolène Royal en parlant de "réforme juste" et "croissance verte". Dans son discours d'une heure, il a d'ailleurs remercié son ancienne compagne et ex-candidate du PS à la présidentielle, qui lui a apporté son soutien. "Merci à Ségolène d'avoir compris, au-delà de tout, le devoir de l'unité, le devoir de faire gagner la gauche en 2012", a-t-il lancé, aussitôt applaudi par la poignée de ségolénistes présents au Bataclan.
En réponse feutrée à Martine Aubry qui l'accuse de "gauche molle", il a répété en leitmotiv le mot "courage". La voix éraillée, il s'est aussi posé jeudi soir en rassembleur : "rassembler, rassembler toujours, rassembler les socialistes - nous sommes en train de le faire -, rassembler la gauche, rassembler les Français autant qu'il sera possible". "Il faudra rassembler (...). Il faut déjà préparer ce moment si important de la réunion, de la réconciliation", a-t-il encore martelé. En final, vers 21 heures, le député de Corrèze a appelé à ce "que cette victoire soit large, ample (...) A dimanche pour la victoire !".