Un Premier ministre recadré par l’un de ses ministres, c’est rare. Un Premier ministre qui se dédit l’est encore plus. C’est pourtant l’histoire vécue par Jean-Marc Ayrault, mardi. Retour sur un énième couac.
Le point de départ – Dans un entretien avec les lecteurs du Parisien-Aujourd’hui en France, publié mardi, Jean-Marc Ayrault assure que la question d’un retour aux "39 heures payées 39" est un thème qui "fera débat". "Mais pourquoi pas. Il n’y a pas de sujet tabou. Je ne suis pas dogmatique", a lancé le Premier ministre, cassant ainsi le dogme socialiste sur le temps de travail hebdomadaire.
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Le démenti de Michel Sapin – Invité à commenter les propos du locataire de Matignon, le ministre du Travail ne prend pas de pincettes : "ce que dit le Premier ministre, c'est si vous voulez que le débat ait lieu, il aura lieu. Et bien non, il ne faut pas supprimer les 35 heures". Une réaction rapide et limpide.
La droite se gausse – Très vite, Jean-François Copé se félicite de la sortie de Jean-Marc Ayrault. "Je découvre qu’il reprend aujourd'hui le programme que nous avons mis en avant sur les 35 heures. Je dis : mais alors, dans ce cas, on ouvre le dialogue immédiatement", a réagi le secrétaire général de l’UMP sur Canal +. L’opposition, de Valérie Pécresse à Jean-Louis Borloo en passant par Bernard Accoyer, lui emboîte le pas.
Avant de regretter la volte-face - "C'était trop beau pour être vrai ! J'ai, pendant quelques minutes, fait un rêve : que le Premier ministre endossait enfin les habits du courage politique", a ironisé Jean-François Copé. François Fillon, a, lui, regretté que "l'éclair de lucidité" du Premier ministre ait été "aussi éphémère".
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Les syndicats inquiets - Les 35 heures sont "un acquis social", a estimé sur Europe 1 Maurad Rabhi, secrétaire confédéral de la CGT chargé de l'emploi pour qui la phrase du Premier ministre est "inquiétante". "Je ne vois pas pourquoi aujourd'hui, c'est les salariés qui devraient trinquer" a-t-il ajouté.
Un avis partagé par François Chérèque sur France Info. "Je ne veux pas commenter des maladresses, mais il y a une chose qui est sûre, c'est que si c'est pour faire 39 heures payées 39, y a les heures supplémentaires pour ça; si c'est pour remettre en cause la durée légale du travail à 35 heures, il n'en est pas question", a tranché le secrétaire général de la CFDT.
Jean-Marc Ayrault rectifie – Conscient du brasier qu’il vient d’allumer, le Premier ministre tente d’éteindre l’incendie sur France Info : "Un lecteur du Parisien me pose cette question. Je dis qu'il n'y pas de sujets tabous. Simplement ce n'est pas le point de vue du gouvernement. Je vous le dis ce matin : il n'est pas question de revenir sur les 35 heures".
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Les coulisses de Matignon - Camille Langlade, journaliste à Europe1, était présente sur place, mardi matin, et a recueilli les explications de ce nouveau couac. L’entretien accordé au Parisien a bien été relu par les services du Premier ministre, qui n’ont noté aucune modification à apporter, lui a-t-on confié. Un conseiller assure pourtant que le couac aurait été repéré lors de la relecture.
Plutôt que d’amender l’entretien, Matignon a alors averti l'Elysée par un coup de téléphone, puis les ministres invités sur les ondes mardi matin ont reçu la consigne d'éteindre l'incendie. Ce qu’a fait Michel Sapin sur RTL. Lundi soir toujours, Matignon envisageait une prise de parole de Jean-Marc Ayrault pour expliciter son propos, ce qui a également été fait, et trois fois : sur France info, à l'Elysée, et à la Chambre de commerce et d'industrie.
Les précédents couacs – La semaine dernière, Jean-Marc Ayrault avait été contraint d’admettre son erreur après avoir anticipé une décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi sur le logement social. "Je me suis peut-être trompé", avait reconnu le Premier ministre, tancé par François Hollande, selon le JDD.
Jusque là, seuls ses ministres avaient commis quelques ratés. Citons notamment Vincent Peillon sur les rythmes scolaires, Cécile Duflot sur le cannabis ou Hamon sur le traité européen.
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