Le Palais Bourbon n'a plus aucun secret pour lui. A 60 ans et après plus de trente ans passés sur les bancs de l'Assemblée nationale, le socialiste Claude Bartolone devrait, selon toute vraisemblance, devenir le maître des lieux mardi prochain. Le député de Seine-Saint-Denis a été largement désigné par les socialistes (qui détiennent la majorité absolue à l'Assemblée, nldr), pour briguer le perchoir. Un poste prestigieux qui fera de Claude Bartolone le quatrième personnage de l'Etat. Une belle revanche aussi pour ce "pro" de la politique, longtemps resté dans l'ombre.
Il connaît tout du PS et de l'Assemblée
Cet ancien cadre de l'industrie pharmaceutique, entré au Parti socialiste en 1974, est un parlementaire aguerri, qui a fait ses armes dans le 93. Secrétaire de la section socialiste du Pré Saint-Gervais à 23 ans, il est élu maire adjoint de cette commune (il en sera maire entre 1995 et 1998) puis élu pour la première fois député de Pantin en 1981. Un siège qu'il va occuper sans interruption pendant plus de trente ans. Avec l'entrée de Lionel Jospin à l'Hôtel Matignon en juin 1997, Claude Bartolone devient également président de la commission des Affaires culturelles et sociales de l'Assemblée nationale.
Mais il n'y a pas que les rouages du Palais Bourbon que le socialiste connaît par cœur. Outre une expérience gouvernementale, comme ancien ministre de la Ville (de 1998 à 2002), Claude Bartolone évolue habilement, au fil des années dans l'appareil du PS. Il est d'ailleurs membre, depuis 1988 du Bureau national du PS, la direction politique du parti. Le socialiste va également occuper par la suite plusieurs fonctions au secrétariat national, l'exécutif du PS.
Il se révèle alors un négociateur hors pair. Il est pendant 25 ans le principal lieutenant de l'ex-Premier ministre Laurent Fabius (dont il s'éloigne fin 2008), et devient l'un des grands artisans de l'accession de Martine Aubry à la tête du Parti socialiste lors du congrès de Reims en novembre de la même année. Il faut dire qu'entre Claude Bartolone et celle qui a été sa ministre de tutelle dans le gouvernement de Lionel Jospin, le courant passe très bien. C'est donc tout naturellement qu'il la soutient aussi durant la primaire socialiste pour 2012. Mais cette fois-ci sans succès.
Des relations fluctuantes avec Hollande
Toutefois, s'il n'était pas son candidat de cœur, Claude Bartolone se dit engagé "à 100 %" derrière François Hollande quand celui-ci devient le candidat des socialistes pour la présidentielle. François Hollande lui confie d'ailleurs les relations extérieures dans son équipe de campagne. Le candidat socialiste vient aussi très fréquemment en Seine-Saint-Denis, département qu'il a le plus visité dans sa campagne et que Claude Bartolone préside depuis 2008.
Au beau fixe aujourd'hui, les relations entre les deux hommes ont toutefois connu des hauts et des bas. Dans les années 1990, ils passent souvent leurs vacances d'été ensemble, avec leurs familles respectives, sur la Côte d'Azur. Mais 2005 marque un tournant. Alors fabiusien, Claude Bartolone est partisan du "non" au Traité constitutionnel européen rejeté par référendum, contre le Premier secrétaire du PS de l'époque, qui prône le "oui".
Avec la victoire de François Hollande le 6 mai dernier, on aurait pu croire que Claude Bartolone serait nommé au gouvernement. Il n'en sera rien. Une déception pour Claude Bartolone, qui se dit "gêné" que "la Seine-Saint-Denis ne soit pas représentée au gouvernement".
Son sens de la formule fait mouche
Son succès dans la course au perchoir sonne donc comme une revanche pour Claude Bartolone. Sa large victoire sur Elisabeth Guigou et Jean Glavany (avec 127 voix sur 258 votants), n'est pas un hasard. Simple et direct, chaleureux, souriant et volontiers gouailleur, jugé bon camarade, ce méditerranéen d'origine (il est né à Tunis, nldr), est apprécié par beaucoup au PS. Ses confidences, émaillées de blagues, font le bonheur des journalistes. Son sens de la formule, lui, fait souvent mouche : "Eric Woerth incarne le retour des copains et des coquins", "Sarkozy est le candidat du fric".
Et sur plan politique, Claude Bartolone sait croiser le fer. Comme dans son département, l'année dernière, lorsqu'il a pris la tête de la rébellion des élus pour dénoncer les emprunts "toxiques" contractés par ses prédécesseurs à la tête du 93. Ou encore en 2010, lorsque le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis présente un budget de "révolte", à savoir un budget en déficit, inscrivant dans ses recettes une partie de la dette de l’Etat à l’égard du département.
En patron de l'Hémicycle, c'est cette fois-ci un autre gouvernement que Claude Bartolone devra surveiller du coin de l'œil : celui de Jean-Marc Ayrault. Revanche, vous avez dit revanche ?