Les "deux centres légitimes du centre" (dixit François Bayrou) peinent à se rassembler. Alors que l'UDI et le Modem devaient sceller cette semaine le "texte de fondation de leur rassemblement", les négociations semblent toujours patiner. Le hic : chacun avance son propre contrat de mariage. Et rien n'est encore signé. "C’est comme en parachute, une seconde avant d’avoir sauté on n'a pas sauté", glisse le patron de l'UDI Jean-Louis Borloo en guise de résumé, cité vendredi par l'éditorialiste d'Europe1, Caroline Roux.
>> Pourtant, l'union semblait déjà actée une semaine plus tôt. Pourquoi cela bloque-t-il toujours? Le mariage peut-il encore capoter ? Décryptage.
Tous les préparatifs semblaient calés... "Je pense que cette semaine nous pourrons ratifier le texte de fondation de notre rassemblement. Nous pourrons indiquer quels sont ses principes, quels sont ses buts et quel est le type d'organisation qu'il va proposer à chacun à ses membres", avait promis, enthousiaste, François Bayrou, dimanche lors du Grand Rendez-vous" Europe 1/Le Monde/iTélé. Son entourage avait même assuré à l'AFP que cela se ferait dans "la deuxième moitié de semaine". Et jeudi, le troisième homme de la présidentielle de 2007 l'assurait : le contrat est prêt. "Il avait même calé son plan média, avec un 20h pour les 2 B comme on les appelle", détaille Caroline Roux.
… Mais le mariage est repoussé. Pourtant, la fin de la semaine est arrivée... et toujours pas la photo de famille. "La charte n'est pas finalisée", a-t-on souligné jeudi dans l'entourage de Jean-Louis Borloo. Et pour cause : le leader de l'UDI tient absolument à coucher sur le papier l’engagement que le futur attelage centriste s’inscrira dans l’opposition. En clair, il veut que toute alliance avec la majorité socialiste soit proscrite. François Bayrou a déjà répété dans les médias qu'il accepte cette concession, mais il "refuse de l’inscrire noir sur blanc dans la charte qui scelle l’union", indique Caroline Roux. "Je ne veux pas faire une alliance avec François Bayrou juste pour les caméras", avait pourtant prévenu Jean-Louis Borloo au début de la semaine, dans Direct Matin.
Des blocages en région. "J'attends que les élus MoDem alliés au PS dans les collectivités territoriales fassent un choix : la rupture avec la gauche ou le refus d'une convergence avec l'UDI. Pour moi, il ne sera pas possible de participer à un rapprochement sans cette clarification", a également lancé l'ancien ministre François Sauvadet désormais à l'UDI, jeudi dans un communiqué. Car si François Bayrou refuse toute alliance avec le PS au niveau national, tous les élus locaux du Modem n'envisagent pas pour autant de rompre avec la gauche. Le Modem, déjà allié au PS dans les municipalités de Lille et Dijon, réfléchit également à un rapprochement à Carpentras, Cavaillon et… à Marseille, où l'eurodéputé Jean-Luc Bennahmias entend bien faire barrage au maire UMP sortant Jean-Claude Gaudin. Or, il s'agit d'un "point non négociable", selon Jean-Louis Borloo.
L'UMP à la manœuvre. Toutes ces tensions risquent d'être attisées par l'amant de toujours de l'UDI : l'UMP. Le principal parti d'opposition entend bien surfer sur les réticences centristes autour du Modem et ses accointances avec le PS. Comme le décrit Caroline Roux : "la contre-attaque est déjà prête : si l’accord Modem-UDI se fait, Jean-François Copé et Brice Hortefeux prévoient de lancer un appel aux centristes, et à tous ceux qui ne pardonnent pas à François Bayrou d’avoir fait battre Nicolas Sarkozy", en annonçant voter François Hollande au deuxième tour de la présidentielle 2012.
Au fond, ils s'aiment quand même ? Outre les blocages vis-à-vis du PS, auxquels s'ajoute celui de la place à accorder aux cadres du Modem au sein du futur assemblage, l'accord est bel et bien en passe d'être finalisé. Et certains points sont même déjà fixés. Ainsi, le futur parti devrait laisser ouverte la possibilité de partenariats, au-delà de l'UMP, avec des sensibilités écologistes, radicales, social-démocrates, à condition qu'elles n'émanent pas de la majorité présidentielle. Et sur l'Europe, UDI et MoDem reconnaissent parler la même langue. Des listes uniques devraient même être constituées pour les élections du printemps. "Le retour chacun chez soi, ce serait un suicide collectif", estime même un centriste, cité vendredi par Caroline Roux. Hervé Morin, président du Nouveau Centre, l'une des composantes de l'UDI qui tient samedi son conseil national, exhorte également ses troupes à lever leurs réticences. Et il conclut : "je leur demande de me faire confiance, car je connais François Bayrou. Il a payé cher son passage sur l'autre rive."