"François Hollande doit s'élever au niveau historique de ses responsabilités. Il en a les capacités intellectuelles. Il lui faudra le caractère." François Bayrou est sorti du "pays du silence", dans lequel il avait affirmé se retirer en juin dernier, après sa défaite aux législatives dans son fief de Pau. Dans une interview accordée au Journal du Dimanche, il revient sur les débuts de François Hollande, son soutien au candidat socialiste durant l'entre-deux tours de la présidentielle et analyse ses propres défaites. Morceaux choisis.
"La première heure de vérité pour François Hollande"
Sur les débuts du président. Interrogé sur les premiers mois du quinquennat, François Bayrou fait crédit au chef de l'Etat d'avoir "su créer un climat moins tendu, nécessaire dans un pays en crise" et d'avoir "rééquilibré le jeu européen" avec l'Italie et l'Espagne en sortant du face-à-face Sarkozy-Merkel.
Par ailleurs "l'objectif de réduction du déficit public fixé, même s’il tape trop sur les impôts et pas assez sur la réforme de l’État, c’est un effort sans précédent et qui méritera d’être soutenu. Jusqu’à maintenant, la gauche française, majoritairement, le refusait", estime François Bayrou.
Dans la colonne des moins. François Bayrou reproche au président le nombre important des ministres du gouvernement et l'absence d'"affirmation d'un cap". "Je n’ai jamais cru à la normalitude. Personnellement je préfère le mot d’équilibre", précise-t-il par ailleurs.
Sur l'interview de dimanche soir. Interrogé sur l'intervention télévisée du chef de l'Etat dimanche soir sur TF1, François Bayrou estime que la responsabilité de François Hollande est "de faire sentir aux Français que le progrès passe par le courage et qu'il n'est pas, en proposant le cap de l'espoir par l'effort, l'homme d'un camp, mais l'homme du pays tout entier". "C’est donc un moment clé. Ce soir, c’est la première heure de vérité pour François Hollande", va-t-il jusqu'à dire.
"Ayrault a un visage d'honnête homme"
Sur la taxation à 75%. "C'était probablement une efficace idée pour gagner des voix, mais à l'arrivée, que de conséquences désastreuses, et pas seulement pour les artistes ou sportifs. Si vous voulez construire une plateforme industrielle ou stratégique, en installant en France des cadres mondiaux, Américains, ou Chinois, ou venant d'Europe du Nord, un impôt confiscatoire les fera fuir", assure le centriste.
Sur Jean-Marc Ayrault. Pour le leader du MoDem, le Premier ministre "a un visage d’honnête homme et l’expérience d’une grande mairie." Mais il doit faire attention à être uniquement "l’organisateur de la vie gouvernementale car c'est le président qui est la figure de proue", prévient François Bayrou.
Sur la morale laïque. "Le vrai enseignement de la morale, ce ne sont pas des leçons, c’est l’exemple des adultes", affirme l'ancien prof de lettres. "Mais qu’on transmette aux plus jeunes les bases de la loi, le comportement, la manière dont on s’adresse les uns aux autres, tout ça ne peut qu’être utile", reconnait-il toutefois.
Le centriste et ancien ministre de l’Éducation nationale fait d'ailleurs, plus généralement, l'éloge du ministre actuel. "Vincent Peillon me paraît pour ces premiers mois à la hauteur de sa mission", avoue-t-il.
"La politique n'est pas un CDD"
Sur ses défaites électorales. François Bayrou conserve son mot préféré : "vérité". Après en avoir fait son cheval de bataille pendant les campagnes présidentielle et législative, le centriste assure que c'est ça qui l'a fait perdre, et qu'il ne regrette rien.
"J’avais choisi la vérité. Or la campagne électorale a vu tous les sujets secondaires et anecdotiques passer au premier plan. Mais il y a sans doute des moments où les peuples ne veulent pas entendre. Jean Peyrelevade l’avait dit quand il m’a rejoint : 'Je ne sais pas si on peut être élu en disant la vérité, mais je sais qu’on ne peut pas gouverner si on ne l’a pas dite.' C’était ma ligne."
Sur son soutien à François Hollande pendant la présidentielle. François Bayrou assure être "allé au bout de ses idées." Pour lui, ce soutien est une preuve de sa liberté, d'autant qu'il n'a pas été suivi d'accord politique. Plus qu'une adhésion aux opinions de François Hollande, c'est la tournure que prenait la campagne de Nicolas Sarkozy qui l'a poussé à voter pour le socialiste.
"J’ai regardé avec ma femme le discours solennel de Sarkozy à Toulouse, qui affirmait que le 'retour des frontières', nationales, morales, esthétiques, serait la grande affaire des cinq ans à venir", se souvient le centriste. "Et que la fonction de l’école serait d’enseigner la frontière! Pour moi, l’école, c’est au contraire le lieu où l’on apprend à se comprendre. Et l’Europe qui a levé les frontières, c’est la plus grande œuvre de trois générations", se justifie l'ancien candidat du Modem.
Sur son avenir politique. François Bayrou indique revenir d'une période de "recul bienfaisant", qui l'a permis de "décanter, se réparer et de voir l'essentiel." Mais il reste flou sur la suite de sa carrière politique. Seule certitude : "je ne vais pas tout plaquer. Selon moi, la politique, ce n’est pas un CDD, même long ; c’est l’engagement d’une vie."