Cette fois, ils vont le faire ! Depuis la création de l’UDI, Jean-Louis Borloo et François Bayrou se tournent autour sur le thème "si tu reviens, j’oublie tout". Leurs entourages œuvrent en coulisses à un rapprochement des deux hommes, brouillés depuis plus de 10 ans… mais qui ont déjeuné deux fois ensemble cet été. Mercredi 28 août, le premier a tendu la main au second : "je pense que Bayrou est rentré dans l'opposition et si c'est le cas, on va forcément cheminer ensemble". "Il est hors de question de demander à François Bayrou de se renier. Son caractère, son chemin, sa différence sont des richesses", a répété Borloo dans Le Figaro, lundi matin. Jeudi, le leader du Modem lui avait répondu : "oui, nous nous parlons, oui nous nous rencontrons, oui je crois que c'est réel". Dimanche soir, il a renouvelé son approche, lors du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro : "si on veut un nouvel équilibre de la vie politique française, il faut que le centre se réunisse". Europe1.fr vous explique pourquoi les deux rivaux d’hier vont (probablement) se rabibocher demain.
>> Deux partis isolés
En 2002, François Bayrou a fait un rêve : construire un parti politique indépendant de la gauche et de la droite. En 2012, François Bayrou a fait un cauchemar : finir cinquième à la présidentielle, derrière Le Pen et Mélenchon. Lors des législatives qui ont suivi, le patron du MoDem a même perdu son siège de député du Béarn… Contesté dans son propre camp pour avoir appelé à voter François Hollande au second tour, l’éternel candidat à l’Elysée - à la tête d’un parti qui connaît de grandes difficultés financières - a beau s’exprimer sur tous les sujets, son message ne porte plus. En aurait-il désormais conscience ? "Il faut un centre qui soit fort et, pour qu'il soit fort, il faut enfin qu'il accepte de s'unir", a-t-il affirmé. Et à l’écouter, rien de plus simple : "on pense la même chose, mais on est divisés dans les appareils, alors que les autres partis sont unis dans les appareils et ne pensent pas la même chose". Il n’y a plus qu’à…
En lançant l’UDI en septembre 2012, Jean-Louis Borloo était débordant d’ambition. Voyant l’UMP privé de leader naturel depuis le retrait de Nicolas Sarkozy, l’ancien ministre de l’Ecologie s’était ainsi posé, en avril dernier sur Europe 1, comme "un chef de l’opposition, voire le leader de l’opposition." Las, les idées de Borloo ont du mal à infuser, alors que l’UMP, son allié, se refait la cerise sur le dos d’une majorité impopulaire. En privé, il reconnaît avoir besoin d’un second souffle. "Jean-Louis a constaté que le vélo n’avançait plus", a même reconnu un ténor du MoDem, dans L’Opinion. Et Borloo d’envisager, donc, de prendre la route avec Bayrou.
>> Ils sont dans l’opposition
Au lendemain de l’échec de Bayrou à la présidentielle de 2002 (6,84%), le porte-parole de sa campagne, un certain Jean-Louis Borloo (voir photo ci-dessus), avait choisi de rejoindre les rangs de Chirac. Le Béarnais ne lui a jamais pardonné. Comme le président du Parti radical n’a jamais accepté que son ami d’autrefois appelle à voter pour François Hollande au second tour de la présidentielle de 2012. La stratégie des deux hommes est opposée : Borloo a d’emblée inscrit l’UDI dans les pas de l’UMP, quand Bayrou plaide pour un centre au-dessus des clivages traditionnels. Mais la donne a changé.
"Notre désaccord avec le MoDem, c'est que nous sommes clairement dans l'opposition", a certes rappelé Jean-Louis Borloo fin août, tout en ajoutant aussitôt que François Bayrou s'était fait "très critique à l'égard du gouvernement" ces derniers temps. Le patron de l’UDI, heureux de ce revirement de tendance, a raison : le leader du MoDem est déçu par François Hollande et "insatisfait de la manière dont la France est gouvernée depuis 18 mois". Suffisant pour un faire (officiellement) un opposant à la majorité ? "Le MoDem n'est pas, et j'en suis l'un des dirigeants, un parti d'opposition", a tranché le vice-président du MoDem Jean-Luc Bennahmias, dans un entretien au JDD.fr. Mais à l’UDI, certains, comme Jean-Christophe Lagarde (photo), souhaite que François Bayrou "clarifie ses positions" et affirme haut et fort qu’il est dans l’opposition.
>> Les élections européennes approchent
En France, la construction européenne fait partie de l’ADN du centre. Et Borloo et Bayrou, deux europhiles convaincus, savent qu’ils jouent gros lors des prochaines élections de mai 2014. La jeune UDI essuiera son baptême électoral à cette occasion, et son chef hésite encore sur la stratégie à adopter pour conserver ses six élus. Si l’UDI présente des listes autonomes, le risque est (très) grand de perdre en influence à Strasbourg. Et comme l’idée de faire des listes communes avec l’UMP a été écartée par la base, reste une solution : partir au front avec Bayrou !
Au MoDem, la situation est semblable. Démuni sur la scène domestique où il ne compte plus que deux députés, le parti "orange" espère conserver ses cinq députés européens pour continuer d’exister sur la scène européenne. Dans cette optique, certains se posent déjà la question de s’allier aux troupes de Borloo. Histoire de montrer qu’il garde la main sur ses (maigres) troupes, François Bayrou pourrait donc être tenté de prendre les devants et d’acter lui-même l’alliance avec l’UDI. D’autant que Jean-Louis Borloo "ne voit pas ce qui le sépare de Bayrou à propos des européennes et des municipales".
Pour ces trois raisons, un mariage d’intérêt est donc en cours de préparation. Mais la lune de miel risque d’être de courte durée. Car si les deux hommes ont tout à gagner à se rapprocher pour les élections intermédiaires, la bataille d’égos reprendra inévitablement quand l’heure de la présidentielle approchera. Rendez-vous en 2017 pour une nouvelle bataille du centre.