Nicolas Sarkozy a pris vendredi soir le relais de la chancelière allemande Angela Merkel et joué les médiateurs de choc auprès de dirigeants polonais qui ont tenu le sommet de Bruxelles en haleine presque jusqu'au bout de la nuit. Faute de pouvoir convaincre le président Lech Kaczynski d'accepter un compromis sur le système de vote de l'UE, la présidente en exercice de l'Union a menaçé de conclure un accord sur la réforme des institutions européennes sans la Pologne. Une menace qui risquait de provoquer une crise, la Pologne comptant 38 millions d'habitants. Nicolas Sarkozy s'est attelé à ramener à de meilleures pensées le président polonais et son frère jumeau, le premier ministre Jaroslaw, resté à Varsovie. Comme lieutenants pour cette mission de la dernière chance, il a enrôlé les premiers ministres espagnol, luxembourgeois et britannique, José Luis Rodriguez Zapatero, Jean-Claude Juncker et Tony Blair, ce dernier bénéficiant de bonnes relations avec la Pologne. La manoeuvre s'est révélée payante: à 23h40, le porte-parole de Nicolas Sarkozy, David Martinon, annonçait un accord à cinq. Restait à convaincre les 22 autres pays, ce qui a été chose faite samedi aux environs de 04h00. "Je peux dire qu'on a travaillé main dans la main avec Angela Merkel", a déclaré samedi Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse au petit matin. Aux anges, le président français a déclaré: "Je n'ai pas la prétention de dire qu'on a révolutionné quoi que ce soit mais simplement cette idée de traité simplifié c'est la France qui l'a portée depuis le début. C'est une réalité qui est incontournable". Il n'était que candidat à l'Elysée quand il a proposé en février 2006 à Berlin et septembre à Bruxelles de reprendre dans un simple traité les principales mesures institutionnelles de la Constitution rejetée en 2005 par la France et les Pays-Bas. Avec le soutien d'Angela Merkel et en multipliant rencontres et contacts avec les autres dirigeants de l'UE, il a fini par convaincre ses partenaires que c'était la seule solution pour sortir l'UE de sa crise institutionnelle. Autre victoire inattendue, même si elle peut n'être que symbolique, Nicolas Sarkozy a obtenu que l'objectif de "concurrence libre et non faussée" assigné à l'Union dans le projet de Constitution soit rayé du nouveau traité, un point qui avait été un des arguments des pourfendeurs du projet de Constitution européenne. Le chef de l'Etat a donc tenu l'une de ses promesses électorales. Il a rendu à la France sa position prédominante au sein de l'Union européenne. Reste désormais à la conserver alors que d'importantes échéances se profilent. La première est le sommet des ministres de l'Economie et des Finances européens de juillet, où il a confirmé son intention d'aller pour défendre sa politique économique et ses réformes. Les ministres des Finances de la zone euro, inquiets de l'impact budgétaire de son programme présidentiel, ont rappelé début juin la France à ses obligations en matière de réduction des déficits et de la dette publics. C'est d'autre part pendant la présidence française de l'UE, au second semestre 2008, que sera lancée la révision du budget communautaire à mi-parcours, un exercice hautement acrobatique. Une belle victoire donc pour le chef de l'Etat français, saluée par l'UMP. Le Medef s'est également félicité de cet accord. La présidente du syndicat, Laurence Parisot, a estimé que "l'Union Européenne se donne ainsi les moyens de construire une Europe plus forte et plus efficace dans la compétition mondiale".