Bernard Tapie devrait livrer lundi aux enquêteurs ses explications sur l'arbitrage qui, en lui accordant en 2008 plus de 400 millions d'euros, lui avait permis de revenir aux affaires, mais qui vaut désormais à trois de ses protagonistes une mise en examen pour escroquerie en bande organisée. Les policiers de la brigade financière l'attendent. Il peut être entendu librement ou placé en garde à vue, une mesure qui, du fait du contexte de "bande organisée", peut durer jusqu'à quatre jours. Les juges d'instruction soupçonnent l'arbitrage d'avoir été biaisé à son profit. Ils veulent savoir comment l'homme d'affaires a plaidé sa cause à l'Elysée et au ministère de l'Economie et s'intéressent de près à ses liens avec les arbitres.
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Stéphane Richard, le PDG d'Orange et ex-directeur de cabinet de l'ancienne ministre de l'Economie Christine Lagarde, l'ancien patron du Consortium de réalisation (CDR, chargé de gérer l'héritage du Crédit Lyonnais) Jean-François Rocchi, et l'un des juges arbitraux, Pierre Estoup, ont été mis en examen pour "escroquerie en bande organisée" dans ce dossier. Lors de ces mises en examen, les juges ont estimé que les trois hommes avaient pu participer à "un simulacre d'arbitrage" afin de pousser l'Etat, le CDR et l'EPFR, structure publique chapeautant le CDR, "à accepter un compromis d'arbitrage contraire à leurs intérêts". Christine Lagarde a, elle, été placée sous le statut de témoin assisté après deux jours d'audition par les magistrats de la Cour de justice de la république (CJR), instance habilitée à juger des délits imputables aux ministres dans l'exercice de leurs fonctions.
Une date clé de l'affaire paraît être une réunion tenue fin juillet 2007 à l'Elysée en présence, selon Stéphane Richard, du secrétaire général Claude Guéant, du secrétaire général adjoint François Pérol, de Jean-François Rocchi, du conseiller justice de l'Elysée Patrick Ouart, mais également de Bernard Tapie. Lors de cette réunion, Claude Guéant avait tranché: "Nous allons faire l'arbitrage", a rapporté Stéphane Richard aux enquêteurs, se disant "surpris" de s'être retrouvé face à Claude Guéant, François Pérol et Bernard Tapie. Placé au coeur de l'affaire, Claude Guéant devrait lui aussi être prochainement convoqué par les enquêteurs, qui ont déjà perquisitionné son cabinet et son domicile.
Sur la réunion à l'Elysée, Bernard Tapie a multiplié les interviews, laissant entendre qu'il avait pu effectivement prendre part à une telle rencontre. S'il a expliqué "ne pas se souvenir de cette réunion à cette date", il a jugé que sa participation "pour expliquer (sa) position" lui paraîtrait "un processus logique". L'enquête a également montré que Bernard Tapie avait eu plusieurs rendez-vous avec Nicolas Sarkozy à l'Elysée en 2007 et 2008. L'homme d'affaires devrait également s'expliquer sur ses liens avec l'arbitre Pierre Estoup, ancien haut magistrat à la cour d'appel de Versailles. Les enquêteurs en particulier s'interrogent sur le sens d'une dédicace faite par M. Tapie, en juin 1998, dans un livre offert à Pierre Estoup. "Votre soutien a changé le cours de mon destin", lui écrivait-il. Un arbitre ne doit théoriquement pas avoir de liens avec les parties avant son arbitrage.