Bettencourt: l'enquête se rapproche de Sarkozy

Patrice de Maistre est soupçonné d'avoir transmis à Eric Woerth d'importantes sommes en liquide provenant du couple Bettencourt. © MAXPPP
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Des éléments étayent la thèse d’un financement illégal de la campagne de 2007, selon Le Monde.

Les magistrats qui instruisent l’affaire Bettencourt semblent désormais persuadés que Nicolas Sarkozy a profité en 2007 d’un financement illégal en espèces de la part du couple milliardaire. Le Monde révèle mercredi des extraits de procès verbaux d’audition au cours desquels le juge Jean-Michel Gentil cherche à reproduire le parcours de l’argent liquide qui aurait constitué ce fonds illégal.

Rencontre Woerth-De Maistre dans un café

Certaines coïncidences chronologiques et certaines déclarations sont à ce titre troublantes. Ainsi, le 17 janvier, Patrice de Maistre, alors gestionnaire de la fortune du couple Bettencourt, demande à Claire Thibout, comptable du couple, de retirer 150.000 euros. "Pour donner à Eric Woerth", assure la comptable, qui cite devant les juges son supérieur. Mais elle refuse de retirer plus de 50.000 euros pour ne pas dépasser le plafond autorisé par sa banque. Le lendemain, soit le 18 janvier, l’argent est remis par la comptable au couple Bettencourt, qui le remet à son tour à Patrice de Maistre, actuellement en détention provisoire. Ces rencontres sont confirmés par les agendas des protagonistes.

Le 19 janvier, deux jours après le retrait, Patrice de Maistre rencontre Eric Woerth, alors trésorier de la campagne du candidat Sarkozy, dans un café non loin du QG de campagne du champion de l’UMP. Le rendez-vous apparaît dans l’agenda de l’employé des Bettencourt, pas dans celui du futur ministre. Les deux hommes se connaissent depuis quelques mois, et l’employé des Bettencourt s’apprête d’ailleurs à embaucher l’épouse du futur ministre du Budget. Mais point de remise d’argent, jure Eric Woerth, mis en examen dans cette affaire. "Nous avons parlé de la campagne qui commence...", jure-t-il au juge Gentil. Mais pour le magistrat, l’argent a bien changé de main à ce moment-là.

La visite de Maistre en Suisse

Et ces transferts illégaux ne se seraient pas arrêtés là.  Patrice de Maistre réclamait 150.000 euros, il en manque donc 100.000. Et cette fois, le gestionnaire aurait lui-même rempli cette mission. Le 28 janvier 2007, il se rend ainsi en Suisse pour  rencontrer René Merkt, qui s’occupe des comptes non déclarés des Bettencourt. L’avocat helvète a confirmé la rencontre et précisé que son interlocuteur réclamait des fonds, via un mécanisme de compensation. Une semaine plus tard, le 5 février, un courser livre un paquet chez le couple Bettencourt. Or, les enquêteurs ont établi que l’argent liquide était toujours livré de cette façon.

Et deux jours plus tard, le 7 février, Patrice de Maistre rencontre à nouveau Eric Woerth, dans le même café situé non loin de la rue d’Enghien, siège du QG du candidat Sarkozy. A l’issue de leur rencontre, le trésorier file audit QG, pour y participer à une réunion avec… l’équipe financière de la campagne. Mais le futur ministre nie là encore tout échange d’espèces. "Patrice de Maistre ne m'a jamais remis d'argent liquide", a-t-il assuré. "Il voulait évoquer l'importance du rôle des PME dans l'économie française", argue-t-il face à un magistrat peu convaincu.

Sarkozy nommé dans la procédure

Mais Eric Woerth n’est pas le seul en cause dans la procédure. Nicolas Sarkozy y apparaît nommément à plusieurs reprises. D’abord parce que, selon plusieurs témoignages, il a rendu visite au couple Bettencourt à plusieurs reprises pendant la campane électorale de 2007. Pascal Bonnefoy, ancien majordome de Liliane Bettencourt, l’a ainsi affirmé le 14 mars face au juge gentil. Et, selon L’Express, figure dans l’agenda de Liliane Bettencourt à la date du 24 février 2007 la mention suivante : "& 12 heures pour Monsieur, Nicolas S. Pour information."

Ensuite parce que certains éléments sont troublants. Ainsi dans le cahier tenu par le photographe François-Marie Banier, ex-confident de Liliane Bettencourt aujourd’hui accusé d’abus de faiblesse. A la date du 26 avril, l’homme rapporte une plainte de la milliardaire sur les exigences financières de Nicolas Sarkozy. Or, à cette même date, 400.000 euros en liquide, en provenance de Suisse, ont été remis au couple Bettencourt. Une coïncidence troublante de plus.