Nicolas Sarkozy était informé des "contraintes budgétaires" durant sa campagne électorale de 2012 après une alerte d'un expert-comptable, a affirmé son ancien directeur de campagne dans l'enquête sur un vaste système de fausses factures lié à cette présidentielle. Cette note, en date du 7 mars 2012, soit six semaines avant le premier tour, prévient que le montant des dépenses "budgétées" atteint environ 23,1 millions d'euros, bien davantage que les 22,5 millions du plafond légal. L'expert-comptable de la campagne se base alors sur une prévision de 15 meetings jusqu'au second tour. Il prône des renégociations des contrats et une "interdiction absolue d'engager toute dépense complémentaire", selon la source.
Les enquêteurs disposent d'une seconde note de l'expert-comptable, au 26 avril 2012, qui établit le total des dépenses au premier tour à près de 18,4 millions d'euros. Dans une troisième note, le 28 juin, les dépenses sont dans les clous, à environ 21,3 millions d'euros.
En garde à vue début avril, l'ancien directeur de la campagne, Guillaume Lambert, a indiqué que Nicolas Sarkozy avait voulu relancer sa campagne après le deuil de l'affaire Merah, à la mi-mars 2012, ont indiqué les sources. Il aurait alors "informé" le candidat des "contraintes budgétaires" posées par la note de l'expert-comptable et Nicolas Sarkozy lui a répondu de n'ajouter que "de petites réunions publiques rassemblant aux alentours de 1.000 personnes, à coûts bas et maîtrisés".
Selon des sources proches du dossier, les enquêteurs disposent aussi désormais d'un courriel adressé à Guillaume Lambert dans lequel le directeur général de l'UMP, Eric Cesari, évoque le souhait de Nicolas Sarkozy de tenir une réunion publique chaque jour. Au final, plus de quarante meetings ont été organisés durant la campagne.
"La renégociation importante des contrats demandée par l'expert-comptable a permis de dégager des marges grâce auxquelles les petits meetings supplémentaires ont été organisés", a expliqué l'avocat de Guillaume Lambert, Me Christophe Ingrain. "Les tarifs avancés par la note (de l'expert-comptable) étaient très élevés et ont été revus à la baisse", a-t-il ajouté.
Les enquêteurs ont la conviction qu'un système frauduleux a été mis en place pour que l'UMP prenne en charge environ 18,5 M EUR de dépenses de la campagne, auprès d'Event and Cie, filiale de Bygmalion. Le but de la fraude était d'empêcher que ces dépenses ne soient inscrites au budget de campagne et n'explosent le plafond autorisé, qui a finalement tout de même été dépassé. Pour cela, Event and Cie a émis des fausses factures à l'UMP pour des conventions dont la plupart n'ont pas été organisées. Les juges d'instruction ont déjà mis en examen dix personnes dans ce dossier: quatre anciens cadres de Bygmalion, dont trois ont reconnu leur participation ou leur connaissance de la fraude, trois ex-cadres de l'UMP et trois responsables de la campagne, dont Guillaume Lambert, qui nient toute implication dans un système de fausses factures. Aucun protagoniste n'a mis en cause l'ancien chef de l'Etat.
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