Mardi, sauf improbable séisme politique, Jean-Christophe Cambadélis sera le nouveau premier secrétaire du Parti socialiste. Ainsi en décidera le Conseil national. Une nomination qui a forcément reçu l'approbation de François Hollande, mais aussi de Manuel Valls. Certes, les deux hommes n’ont jamais été des très proches, mais ils ont souvent appartenu au même camp. Et depuis l’entrée de l’ex-député maire d’Evry au gouvernement, Jean-Christophe Cambadélis a largement soutenu le ministre de l’Intérieur, au cœur de plusieurs polémiques.
Ils se connaissent depuis longtemps. Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis sont d’abord des vieilles connaissances. En 1980, le second adhère au syndicat UNEF-ID, dont le premier vient de prendre la présidence. Là, ils tissent des amitiés communes, avec le criminologue Alain Bauer par exemple. Et en 1993, tous deux proches de Michel Rocard, premier secrétaire du PS de l’époque, ils sont membres du bureau politique du parti, comme le montre cette photo relayée sur Twitter.
PSelfie (1993).#PS#Valls#remaniementpic.twitter.com/FZjiZypzpC— Laurent Bouvet (@laurentbouvet) March 31, 2014
Pour autant, ils ne lient pas leur destin, et ne se retrouvent dans le même camp qu’en des occasions plutôt rares.
Deux pro-DSK. C’est surtout après 2007 que les deux hommes se retrouvent. L’un comme l’autre se rangent derrière Dominique Strauss-Kahn, alors favori pour représenter le PS à l’élection présidentielle. Pour Jean-Christophe Cambadélis, rien de surprenant : l’homme est un proche et un soutien de longue date de l’ex-ministre de l’Economie, dont il est, à partir de 2007, le principal lieutenant. Du côté de Manuel Valls, le choix est largement stratégique. Alors qu’il avait soutenu Ségolène Royal face au même DSK en 2007, il change de camp, misant sur le favori. Cela dit, l’actuel Premier ministre partageait avec l’ex-président du FMI, et donc avec Jean-Christophe Cambadélis, une même vision social-démocrate, sinon social-libérale, de l’économie. Mais si, après la disgrâce de DSK, l’un est mortifié, l’autre, Manuel Valls, rebondit et se présente à la primaire PS de 2011. Sa première marche vers Matignon.
Bisbilles pendant la primaire. Il s’agit là de leur dernière brouille. Pendant la primaire socialiste à la présidentielle, Jean-Christophe Cambadélis soutient Martine Aubry. Or, depuis que la maire de Lille a demandé publiquement à Manuel Valls, par ailleurs lui aussi candidat, de quitter le parti en 2009, les relations entre les deux ténors socialistes sont glaciales. A l’approche du second tour, alors que Manuel Valls soutient François Hollande face à Martine Aubry, Jean-Christophe Cambadélis se fend de quelques critiques en creux sur un billet de blog.
Le député de Paris s’en prend en fait à la posture droitière du candidat Valls. "Il a fait une bonne campagne, mais un peu à droite de l’électorat des primaires", juge-t-il. Puis il s’interroge sur l’alliance Hollande-Valls. "Est-ce que ce regroupement avec le tenant de la TVA sociale, celui dont Arnaud Montebourg disait qu’il était déjà à l’UMP, est-ce que cet attelage peut convaincre les électeurs de Arnaud Montebourg ou ceux de Ségolène Royal ? Cela semble peu probable. Alors au-delà de l’arithmétique, la politique se voit sur les visages. François Hollande est trop bas pour ‘plier’ le match et trop soutenu par Manuel Valls pour attirer le vote de gauche", analysait-il pour expliquer que Martine Aubry avait encore ses chances. On connaît la suite. Cette posture, Jean-Christophe Cambadélis la payera à l’automne 2012, quand Harlem Désir lui est préféré pour diriger le PS.
Valls épargné, voire soutenu. Dès lors, Jean-Christophe Cambadélis considère sa parole libre et défouraille volontiers sur l’action du gouvernement. Jean-Marc Ayrault, Vincent Peillon, Dominique Bertinotti, Harlem Désir, bien sûr, en prennent pour leur grade. Pas Manuel Valls. Pourtant, le ministre de l’Intérieur a été au cœur de plusieurs polémiques. A chaque fois, Jean-Christophe Cambadélis est allé dans son sens.
Ainsi sur les Roms. En septembre 2009, Manuel Valls affirme qu’ils ont "vocation à rentrer" dans leur pays. Tollé à gauche, surtout chez les écologistes. Jean-Christophe Cambadélis se fend alors d’un billet de blog pour soutenir le ministre de l’Intérieur. "Dans le cas d’espèce, la formule litigieuse porte sur le mot "vocation à retour" accolé au refus de s’intégrer. Constater que les Roms quittent le ghetto épouvantable de Bucarest, mais que le but de ces populations est de revenir dans leur pays qui les stigmatisent ne devrait choquer personne", écrit-il. "Après, constater que l’intégration est complexe parce que ces populations veulent vivre comme au pays, en famille, voire en communauté élargie est une simple constatation. Il y a donc une question Roms en Europe", assène-t-il.
Sur l’affaire Leonarda, cette jeune Kosovare (photo) arrêtée dans un collège et expulsée avec sa famille, le député de Paris n’accable pas, une nouvelle fois à rebours de nombre de ses camarades, le ministre de l’Intérieur. "Dans l’affaire Leonarda, Manuel Valls a raison de dire que ses services respectent le droit. Personne ne peut lui en tenir grief. La loi est la loi", écrit-il sur son blog, même s’il reconnaît ensuite la légitimité du PS de s’indigner sur les conditions de l’arrestation de l’adolescente.
Enfin en août 2013, pendant les universités d’été socialistes à La Rochelle, il défend encore Manuel Valls. "Au ministère de l’intérieur, il a organisé la rupture avec les années Sarkozy. Il a rompu avec les pratiques douteuses, dissocié la sécurité des questions ethniques. Il se revendique d’une autorité républicaine à la Clemenceau, sa laïcité n’est pas l’ennemie des religions", affirme-t-il au Monde.
Enfin le 1er avril dernier, au lendemain de l’annonce de la nomination de Manuel Valls à Matignon, il réitère sa défense. "Il y a une confusion : tout le monde prend le caractère, l'orientation, l'histoire de Manuel Valls en disant ça pose un problème parce que ce qu'il a fait dans sa vie va l'amener à être le droitier de service. Il ne s'agit pas de cela, il s'agit de mettre en mouvement la feuille de route de François Hollande", affirme-t-il sur LCI. "On prête beaucoup de choses à Manuel Valls. Moi qui le connais depuis la faculté, il a toujours été loyal", a insisté le député de Paris. Un soutien quasi sans faille donc. Qui a fini par payer.
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