Le dérapage. L’objet de la réunion était plutôt louable. La blague, prononcée par Luc Jousse, le controversé maire UMP de Roquebrune-sur-Argens, dans le Var, l’était un peu moins. Alors qu’il avait réuni des habitants de la commune pour les féliciter d’avoir débroussaillé leurs quartiers, et donc participer à la prévention des feux, l’élu a dérapé, laissant entendre qu’il aurait bien aimé voir… des Roms brûler.
La "blague". "Je vous rappelle quand même que les gens du voyage, que dis-je, les Roms, m’ont mis neuf fois le feu. Neuf fois des départs de feux éteints par le SDIS, dont le dernier, ils se le sont mis eux-mêmes ", a d’abord déclaré l’édile, selon l’enregistrement du téléphone d’un participant à la réunion que s’est procuré Mediapart. Et de poursuivre : "vous savez ce qu’ils font : ils piquent des câbles électriques et après ils le brûlent pour récupérer le cuivre et ils se sont mis à eux-mêmes le feu dans leurs propres caravanes ! Un gag ! Ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait appelé trop tôt les secours !"
Condamnation à droite. "L'UMP condamne avec la plus grande fermeté les propos inacceptables de Luc Jousse", a commenté le parti dans un communiqué. Un "bureau politique se réunira mercredi 11 décembre" et prendra "les sanctions appropriées". En attendant, le maire de Roquebrune-sur-Argens a été suspendu "à titre conservatoire" par la fédération départementale de l'UMP.
"C'est affreux, insupportable. Dis comme ça, c'est inacceptable, totalement inacceptable. Cela n'a rien à voir avec les valeurs pour lesquelles je me bas à l'UMP", a pour sa part vivement réagi le député UMP de Paris, Pierre Lellouche, contacté par Europe1, se prononçant partisan d'une "sanction". "Ce n'est pas une condamnation d'un élu UMP. C'est la condamnation d'un propos, quel que soit la couleur de l'élu. On ne peut que condamner fermement. Ça suffit cette accumulation de paroles qui se libèrent dans tout les sens", a renchéri le député UMP de la Manche, Philippe Gosselin. Contacté par le Lab, Hubert Falco, sénateur-maire UMP de Toulon, président honoraire de la fédération UMP du Var, s'est également montré très choqué : "ce sont des propos très graves, parfaitement indignes d’un élu de la République, inconcevables".
Un besoin des voix du FN ? Le dérapage prend peut-être sa source dans le contexte électoral de cette commune de 13.000 habitants. Le maire brigue un troisième mandat et bénéficie une nouvelle fois de l’investiture UMP. Mais s’il avait était élu à 64% des voix en 2008, dès le 1er tour, les choses se sont un peu compliquées pour lui ces dernières années. L’édile fait face à une fronde massive des diverses associations de la ville, qui lui reprochent une piètre gestion de la ville et des déboires judiciaires. Le 7 octobre dernier, Luc Jousse a, en effet, fait l’objet d’une plainte pour escroquerie en bande organisée, accusé d’avoir vendu un terrain communal à une entreprise qui s'est révélée inconstructible.
Et une enquête préliminaire a été ouverte depuis mai 2013 par le parquet de Draguignan, sur d'éventuels détournements et prises illégales d'intérêts. Un rapport de la Cour régionale des comptes révélait même, en 2013, que l'endettement de la ville est trois fois supérieur à la moyenne des villes de même taille et que de graves irrégularités entachent la gestion communale. Résultat, le Front national se sent pousser des ailes. "Luc Jousse est fragilisé par les affaires. Roquebrune-sur-Argens fait partie des villes gagnables dans le Var, comme Fréjus ou Six-Fours-les-Plages", affirme ainsi à Mediapart Frédéric Boccaletti, secrétaire départemental du FN.
Jousse prend le chemin de Croix. Ce n’est pas la première fois qu’un maire UMP dérape sur les Roms. En septembre dernier, Régis Cauche, maire de Croix, dans le Nord, avait déclaré, plus sérieusement que Luc Jousse, dans La Voix du Nord, qu’il était prêt à soutenir l’un des ses habitants qui "commettrait l’irréparable" sur un Rom. "Les Roms n’ont rien à faire à Croix. Oui, s’il y a un dérapage, j’apporterai mon soutien. La population en a assez", renchérissait-il. "C'était une phrase malheureuse, je le reconnais aujourd'hui...", avait-il ensuite avoué sur France 3 Nord-Pas-de-Calais, expliquant qu’il défendait surtout la légitime défense, ce qui lui avait évité des sanctions de l’UMP.