L’INFO. "Jean-Pierre, tu as bien conscience que si vous ne tapez pas vite, vous allez le laisser revenir. Alors agissez !" François Fillon, qui s’adresserait ici à Jean-Pierre Jouyet, a-t-il prononcé ces mots ? A-t-il demandé au secrétaire général de l’Elysée d’accélérer les procédures judiciaires à l’encontre de Nicolas Sarkozy ? C’est ce qu’assurent deux journalistes du Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet, dans leur livre Sarko s’est tuer. Mais les intéressés démentent catégoriquement. Samedi, François Fillon a même décidé de porter en plainte en diffamation. Europe1.fr vous retrace le film de cette histoire.
• ACTE 1 - La révélation
Mercredi, L’Obs publie les bonnes feuilles du prochain livre de Fabrice Lhomme et Gérard Davet, deux enquêteurs du Monde. Dans leur ouvrage, les deux journalistes affirment que François Fillon, lors d'un déjeuner près de l'Elysée le 24 juin dernier avec Jean-Pierre Jouyet (photo) - qui a été son secrétaire d'Etat aux Affaires européennes de mai 2007 à décembre 2008 -, a dénoncé le fait que l'UMP ait remboursé en 2013, à la place de l'ancien président de la République, les pénalités liées au dépassement du plafond des dépenses de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012.
Selon les deux auteurs, le député de Paris aurait lancé : "Jean-Pierre, c'est de l'abus de bien social, c'est une faute personnelle, l'UMP n'avait pas à payer" avant de lui demander de faire pression pour accélérer le cours judiciaire des affaires visant Nicolas Sarkozy. "Mais tapez vite, tapez vite ! Jean-Pierre, tu as bien conscience que si vous ne tapez pas vite, vous allez le laisser revenir. Alors agissez !".
• ACTE 2 - Les démentis
Dès le lendemain, François Fillon dénonce un procédé "méprisable" et "une manoeuvre grossière". Jean-Pierre Jouyet y va lui aussi de son démenti, assurant que François Fillon n'avait aucunement, lors de ce déjeuner, "demandé une quelconque intervention, démarche par ailleurs inimaginable". Le secrétaire général de l'Elysée a par ailleurs transmis un SMS au député de Paris, dans lequel il se dit "sincèrement désolé de ces bruits de couloirs élyséens rapportés à des journalistes". Antoine Gosset-Grainville, ancien directeur adjoint de cabinet de François Fillon, a lui aussi démenti toute demande d'intervention auprès de Jean-Pierre Jouyet. "Aucun des propos prêtés à François Fillon n'ont été tenus", a assuré celui qui était présent au déjeuner du 24 juin.
Fidèle lieutenant de l'ancien Premier ministre, Jérôme Chartier, député UMP du Val d'Oise, s'est exprimé lui aussi devant des journalistes pour dénoncer "une polémique infâme". "Si ces deux journalistes disent que leurs enregistrements permettent de confirmer ce qu'ils disent, dans ce cas-là qu'ils nous fassent entendre ces enregistrements", a-t-il réclamé samedi. "Que la vérité éclate, c'est ce que demande François Fillon", a poursuivi l'élu.
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• ACTE 3 - Le Monde persiste et signe
Dans un nouvel article publié samedi, les journalistes du Monde (photo), bien que les intéressés aient fermement démentis, maintiennent leur information. Et assurent même avoir en leur possession un enregistrement de leur discussion avec Jean-Pierre Jouyet. Un document qui, d’après eux, prouverait la véracité de leur information. A la question : "Il ne s'est pas interrogé devant vous devant la lenteur de la justice par rapport à tout ça ?", Jean-Pierre Jouyet a répondu, selon leur enregistrement : "mais si ! Il m'a dit… En gros, son discours c'était de dire : 'Mais tapez vite ! Tapez vite !'"
• ACTE 4 - Fillon attaque en justice ...
Samedi toujours, nouveau rebondissement : "François Fillon va porter plainte contre les deux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, et contre Le Monde, pour diffamation", a annoncé l'entourage de l'ex-Premier ministre.
ACTE 5 - ... Et s'estime victime d'un complot
"Qui peut imaginer cette scène ? " Dans le Journal du dimanche, François Fillon dit "stop aux boules puantes !". "Je ne peux pas croire que le secrétaire général de l'Élysée (NDLR : Jean-Pierre Jouyet) ait pu tenir aux journalistes du Monde les propos qui lui sont prêtés", déclare l’ancien Premier ministre. "Si c'était le cas, ce serait une affaire d'État d'une extrême gravité. Ce serait une tentative de déstabilisation d'un responsable de l'opposition", dénonce-t-il.
François Fillon confirme avoir déjeuné le 24 juin dans un restaurant près de l'Elysée avec Jean-Pierre Jouyet, et son ancien directeur adjoint de cabinet à Matignon, Antoine Gosset-Grainvillle. Mais, assure t-il, "à aucun moment" les deux hommes n'ont évoqué la question des pénalités financières infligées à Nicolas Sarkozy et réglées par l'UMP. "Il s'agissait d'un déjeuner amical avec Jean-Pierre Jouyet qui a été membre de mon gouvernement, et ce déjeuner a eu lieu à l'invitation et à l'initiative du secrétaire général de l'Élysée", ajoute l’ancien Premier ministre.
Je ne peux pas croire que le secrétaire général de l’Elysée ait pu tenir aux journalistes du Monde les propos qui lui sont prêtés #JDD— François Fillon (@FrancoisFillon) 9 Novembre 2014
• ACTE 6 - Fillon raillé dans son camp
Sur Twitter, plusieurs cadres de l'UMP, plutôt acquis à la cause de Nicolas Sarkozy, ont usé de l'ironie pour commenter l'information du Monde :
Un homme d'Etat ? @lemonde_pol: Fillon a sollicité l'Elysée pour accélérer les poursuites judiciaires contre Sarkozy http://t.co/NRuC4lcbpv— Valérie Debord ن (@DebordValerie) 8 Novembre 2014
Les masques tombent http://t.co/68F5SyMAUh#Fillon a sollicité l'Elysée pour empêcher le retour de @NicolasSarkozy— Sébastien Huyghe ن (@SebastienHuyghe) 8 Novembre 2014
Face aux affirmations @lemondefr, @FrancoisFillon doit s'expliquer. Il doit la vérité aux militants et aux Français #LeMonde#Fillon— Christian Estrosi (@cestrosi) 8 Novembre 2014
@FrancoisFillon qui aurait demandé d'après @lemondefr au gouvernement socialiste de "tuer"@NicolasSarkozy, qu'en pense @ECiotti ?— Michèle Tabarot (@MTabarot) 8 Novembre 2014
• ACTE 7 - "On a l’enregistrement, il est béton"
Jérôme Chartier, proche de François Fillon, et Henri Guaino, ancienne plume de Nicolas Sarkozy, ont demandé dimanche aux deux journalistes du Monde d’apporter la preuve de leur enregistrement. Gérard Davet et Fabrice Lhomme leur ont adressé une fin de non-recevoir. "On a l'enregistrement, il est béton. Cet enregistrement, nous le produirons en justice si la justice le réclame", a indiqué à l'AFP Gérard Davet. "Notre position est très simple : nous ne répondrons à aucune injonction politique, on ne veut pas le livrer à une quelconque interprétation politicienne".