La méthode Valls, "ça a de la gueule", vantait Arnaud Montebourg la semaine dernière, à l'issue du premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement. L'équipe "Valls a la méthode et la maîtrise du temps politique", décrypte de son côté l'éditorialiste d'Europe1, Caroline Roux. Cette "méthode Valls", c'est avant tout une manière de gérer les relations entre les membres du gouvernement. Dès sa prise de fonction, le nouveau locataire de Matignon a envoyé une note à ses ministres, avec, parmi les principaux mots d'ordre : "efficacité", "collégialité", "solidité juridique" ou encore "modération législative".
Des termes qui résonnent avec ceux d'un vaste rapport sur la coordination du travail ministériel, établi par le Conseil d’État et l'Inspection générale des finances, en juillet 2007. Le premier à avoir suggéré un lien entre la "méthode Valls" et ce document est le journal Le Monde, la semaine dernière. Europe1.fr a comparé les conseils des auteurs du texte avec les consignes du nouveau Premier ministre. Et ce dernier semble, en grande partie, les respecter.
# DE L’EFFICACITÉ
Ce que disait le rapport. À l'époque, les auteurs décrivait un "emballement" du travail de coordination. En clair, il y avait trop de réunions, avec trop d'interlocuteurs. "Le nombre des ré unions interministérielles est passé d’un millier par an au milieu des années quatre-vingt à plus de 1.600 aujourd’hui", calculaient les auteurs du rapport. "La coordination s’est éloignée des décideurs politiques tout en connaissant une inflation significative au niveau de leurs collaborateurs", poursuivaient-ils.
Ce que demande Manuel Valls. Le nouveau Premier ministre a été clair lui aussi : "1.500 réunions interministérielles chaque année, c'est trop", fait-il savoir dans sa note. Pour lui, la règle, c'est un "travail interministériel coopératif qui débouche sur des accords". Et pour cela, le dialogue direct entre les ministres, "les décideurs politiques", comme le disait le rapport, doit être renoué, au détriment des multiples échanges avec les "collaborateurs".
Pour Arnaud Montebourg, le grand mérite de Manuel Valls est ainsi d’avoir "repolitisé tout le dispositif". "Avant, tu envoyais ton ‘dircab’ (directeur de cabinet, ndlr) qui se faisait laminer par un haut fonctionnaire de Matignon. Si tu repolitises, ça veut dire que ça va jusqu’au Premier ministre, et les ministres discutent. Comme c’est fait par le Premier ministre, ça a plus de force que si c’est par un ‘sous-pentiste’ de Matignon. Quand il n’y a pas de politique, c’est l’administration qui prend le pouvoir", argumentait-il jeudi sur i-télé, dans une séquence "sur le vif" tournée dans sa voiture.
# DE LA COLLÉGIALITÉ
Ce que disait le rapport. Les auteurs du rapport prônaient donc une diminution des réunions avec les collaborateurs. Mais ils fustigeaient dans le même temps les décisions prises à la va-vite par un ministre isolé. Il prônait ainsi "un fonctionnement plus collégial et une coordination plus fluide" entre les membres d'un "gouvernement resserré autour d’une quinzaine de ministres de plein exercice ".
"Il faut redonner du temps au processus de décision en l’inscrivant dans une stratégie définie au niveau des ministres", poursuivaient les auteurs, proposant de "préparer les décisions publiques par des consultations ouvertes […] afin de créer les conditions d’un diagnostic partagé et de parvenir à un premier ensemble de solution".
Ce que demande Valls. Manuel Valls, dans sa note, demande plus de "collégialité" et souhaite également "redonner sa place à la délibération politique". Toute décision engageant le gouvernement devra ainsi "être précédée très en amont d'une réunion de nature politique réunissant sous présidence les principaux ministres concernés". Le Premier ministre prévoit aussi de "réunir tous les quinze jours, le jeudi matin, l'ensemble des ministres et des secrétaires d'Etat" pour une "délibération ouverte et confiante".
Une collégialité effectivement rendue plus facile dans un gouvernement resserré, à en croire, là encore, Arnaud Montebourg. "À 16, il y a un débat autour de la table. C'était impossible à 39", assurait-il vendredi dernier à BFMTV.
#DE LA QUALITÉ DES LOIS
Ce que disait le rapport. Les spécialistes de l'ingénierie gouvernementale pointaient du doigt, en 2007, une conséquence de ce manque d'efficacité et de collégialité : les lois étaient floues, mal rédigées et trop nombreuses. Le rapport "mettait en garde contre ces lois bavardes auquel le citoyen ne prête qu’une oreille distraite". Ils dénonçaient également "les effets nocifs, abondamment décrits, de cette dégradation de la qualité des textes : perte de l’autorité attaché e à la loi, moindre intelligibilité des textes et, fondamentalement, diminution de la capacité du Gouvernement à mettre clairement en œuvre ses options politiques".
Les auteurs demandaient également de davantage impliquer le secrétariat général du Gouvernement, organisme rattaché à Matignon chargé d'assurer le suivi des lois, pour s'assurer de leur solidité juridique. Il "de l'associer plus systématiquement au traitement juridique des dossiers d’importance majeure pour le Gouvernement", demandait le rapport.
Ce que demande Valls. Dans ses consignes aux ministres, le Premier ministre a effectivement demandé des "textes peu nombreux, courts, clairs, assortis d'études d'impact et respectueux des différentes saisines obligatoires, en particulier celle du Conseil d'Etat". Manuel Valls réclame également, en cas de "doute" sur la constitutionnalité d'un texte, que le secrétariat général du gouvernement soit "saisi très tôt, suffisamment pour lui laisser le temps d'élaborer une parade", expliquait Stéphane le Foll, porte-parole du gouvernement, cité vendredi dernier par France info.
>> Il reste toutefois une inconnu : le nombre de conseillers ministériels
Pour l'heure, Matignon semble donc respecter à la lettre les principaux conseils du rapport de 2007… mais il y en a un, de taille, qui reste encore en suspens : le nombre de conseillers par cabinet ministériel. "Les effectifs des cabinets ministériels ont doublé , passant d’un peu moins de trois cents membres au début de la Cinquième République à un peu moins de quatre cents dans les années quatre-vingt jusqu’à près de sept cents collaborateurs aujourd’hui", écrivait le rapport en 2007.
Or, outre son coût pour les finances publiques, cette inflation contribue à "diluer les enjeux des décisions et les responsabilités des décideurs", selon les auteurs. Ils préconisaient ainsi de "restreindre l’effectif de chaque cabinet à une dizaine ou une quinzaine de membres" et "d'évaluer annuellement, de manière indépendante, et de rendre publics les effectifs et le coût des cabinets ministériels".
Sur ce sujet, difficile de dire dès aujourd'hui si Manuel Valls suivra les conseils du rapport, puisque les équipes ne sont pas encore totalement constituées. Mais limiter un cabinet à une dizaine ou une quinzaine de membres ne semble pas chose aisée. À son arrivée, Jean-Marc Ayrault avait édicté une règle : pas plus de 15 personnes employées dans les cabinets des ministères, pas plus de 10 dans les ministères délégués. Or, dans une annexe du projet de loi de finances pour 2014 publiée en octobre dernier, il apparaissait que quasi-aucun ministère ne respectait les quotas.
LA PHRASE - Montebourg : la méthode Valls "a de la gueule"
PRISE EN MAIN - Comment Hollande veut (ré)occuper le terrain
CODE DE CONDUITE - Valls a six ingrédients pour sa recette anti-couac
INFOGRAPHIE - Valls : un gouvernement resserré sur le fil
LA LISTE - Voici les nouveaux secrétaires d’État