L'INFO. L'UMP parle déjà de "class action au rabais". Le projet de loi du gouvernement sur la consommation, présenté au printemps par Benoît Hamon, est discuté à partir de lundi à l'Assemblée. Principale mesure : la création de l'action de groupe, l'équivalent français de la "class action" américaine. Réclamée depuis des années par les associations de consommateurs, promise par tous les gouvernements mais jamais réalisée, elle arrive enfin dans l'hémicycle. Mais la mouture proposée par le gouvernement ne convainc pas grand monde du côté des partisans des "class action", qui souhaiteraient qu'elle soit plus contraignante.
Le contexte. Pourtant, en 2009, le PS, dans une proposition de loi signée par Christiane Taubira, Arnaud Montebourg, Alain Vidalies et surtout un certain Jean-Marc Ayrault, avait proposé une mesure bien plus ambitieuse, rejetée, à l'époque, par la majorité UMP. Qu'est ce qui a changé depuis ? Que reproche-t-on à ce nouveau projet de loi ? Pourquoi l'exécutif socialiste a-t-il revue ses ambitions à la baisse ? Décryptage.
C'est quoi, une action de groupe ? La mesure prévoit que les particuliers qui s'estiment lésés par une entreprise puissent aller devant la justice tous ensembles pour obtenir réparation. L'intérêt : que les petits litiges du quotidien puissent être sanctionnés en évitant des procédures trop lourdes. Autre avantage pour le consommateur : une fois le jugement prononcé, même les victimes qui n'ont pas porté plainte peuvent être indemnisées, à condition qu'elles se soient fait connaître dans un certain délai et qu'elles prouvent qu'elles ont subi le même préjudice que les autres.
Une version 2013 "au rabais" ? La mesure proposée en 2013 par le gouvernement déçoit les partisans des "class action" sur plusieurs points. Le premier : il ne concerne pas l'environnement et la santé, contrairement au projet socialiste de 2009. Aucune "class action" sur le Médiator ou sur les prothèses PIP ne serait donc possible. "Nous étions très attendus par les associations de malades", déplore la députée PS Catherine Lemorton, citée par L'Expansion. Autre désillusion : l'abandon (à l'inverse de 2009) de la réparation des "dommages civils". Seule "la réparation des préjudices matériels résultant d'une atteinte au patrimoine des consommateurs" pourra être obtenue si le projet gouvernemental est adopté. Conséquence à prévoir, comme l'explique le Canard enchainé : un consommateur qui achète des lasagnes avariées pourra se faire rembourser sa barquette, mais pas les frais d'hôpital.
Les avocats mis au banc. Ultime point de tension : seules 17 associations de consommateurs agréées par l'Etat auront le droit de mener une action de groupe. "Les avocats sont complètement exclus, par idéologie", dénonce ainsi dans Le Figaro l'orateur du groupe UMP, Damien Abad. "Ces associations ne disposent ni des moyens ni de l'expertise suffisants pour gérer de telles procédures, par définition lourdes, complexes et coûteuses", déplore Me Frédéric Pelouze, interrogé par Le Point. "Quelle association ira dans le centre de la France lancer une action contre un promoteur immobilier à cause des canalisations défectueuses?", prend pour exemple l'avocat.
Pourquoi une version si allégée ? Le gouvernement a laissé le soin au Conseil national de la consommation (CNC), où siège des associations et des représentants du patronat, d'élaborer le projet. En son sein, les patrons ont pesé de tout leur poids pour limiter la mesure, afin qu'elle pénalise le moins possible les entreprises. Ce qui a poussé les associations à faire des compromis. "L'UFC a fait le choix stratégique de restreindre, dans un premier temps, le champ d'application de la loi", reconnaît ainsi Cédric Musso, de l'UFC Que Choisir, dans une interview à L'Expansion. "Il fallait surtout être intransigeant sur l'architecture du dispositif. […] Il était essentiel, après toutes les embûches qu'a connues cette loi, qu'une solution acceptable par tous soit trouvée, afin que l'action de groupe voit enfin le jour en France", se justifie-t-il.
La fronde du patronat. "Le gouvernement freine sous la pression du grand patronat", s'indigne pour sa part le Réseau environnement santé. Les patrons, Medef en tête, sont farouchement opposés aux "class actions" et ils le font savoir. Selon l'organisation patronale, elles feraient perdre aux Etats-Unis 1,5 points de PIB chaque année. En 2006, un projet de loi avait même été abandonné après que le Medef ait envoyé une lettre aux députés pour les menacer de plomber leurs futures campagnes électorales. Face à une telle fronde, gouvernement et associations ont eu à cœur de trouver un compromis. "Rien n'empêche que dans un deuxième temps, quand le dispositif aura fait ses preuves et rassuré, la loi ne puisse s'appliquer à de nouveaux secteurs. Cela me paraît souhaitable", conclut Cédric Musso, de l'UFC Que Choisir.