L'INFO. "Il est convaincu qu’il est le seul à pouvoir barrer la route au FN". "Il", c'est Nicolas Sarkozy, et la sentence est signée de son plus fidèle bras droit, Brice Hortefeux. A quelques jours de son retour annoncé, l'ancien président réfléchit déjà à sa future stratégie. La droite républicaine a longtemps érigé un cordon sanitaire avec le FN. Lui a fait évoluer la donne en assurant lors de sa campagne de 2012 que le parti d'extrême-droite n'était pas "anti-républicain". Objectif d'alors : siphonner les voix du FN. Une rupture. Mais cette fois-ci, Nicolas Sarkozy a décidé d'utiliser une nouvelle stratégie pour lutter contre Marine Le Pen : démontrer qu'elle est une "femme normale".
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Le seul à avoir fait baisser le FN ? Dans les rangs sarkozystes, c'est une vérité absolue : l'ancien président est le plus à même de contrecarrer la montée en puissance de Marine Le Pen, annoncée en tête au premier tour en 2017 dans un récent sondage. "Il l'a fait en 2007, en 2009 aux européennes. Il était à égalité avec Le Pen au moins de juillet 2011, et il est arrivé 10 points devant à la fin de la campagne", se gargarisait en mai dernier Brice Hortefeux, porte-parole officieux de la galaxie Sarkozy, sur LCI. Un message martelé dans tous les médias.
Les Français font confiance à…. Juppé et Fillon. Une enquête d'opinion BVA pour i>télé-CQFD et Le Parisien datant de juin dernier a pourtant montré que les Français ne sont pas forcément sur la même longueur d'ondes. A la question, "qui préfèreriez-vous voir élu président de la République en 2017 entre Marine Le Pen et … ?", ils sont 77% à répondre Alain Juppé et 74% François Fillon, contre. .. 65% à préférer Nicolas Sarkozy. N'en déplaise à Brice Hortefeux et consorts, leur champion n'est, dans l'esprit des Français, pas le seul capable de battre Marine Le Pen. "En 2012, le FN n'a jamais été aussi haut à un premier tour de présidentielle. Et le candidat de l'UMP s'appelait Nicolas Sarkozy", appuie le politologue Pascal Perrineau, contacté par Europe 1. Un scepticisme partagé par Thomas Guénolé, politologue spécialiste de la droite* : "c'est un positionnement à double tranchant. Car il a été le meilleur avocat de la légitimation des thèses du FN dans la vie publique", assure-t-il à Europe 1.
Le Pen "va se faire prendre au piège de la dédiabolisation." Dans son match annoncé avec la patronne du parti d'extrême-droite, Nicolas Sarkozy, pas encore candidat déclaré, a déjà réfléchi à son positionnement. "Pour dégonfler le FN, il faut préempter les thèmes avant eux", estime Brice Hortefeux pour Europe 1. Geoffroy Didier, cofondateur de la Droite forte et autre lieutenant de Nicolas Sarkozy, estime quant à lui que Marine Le Pen "va se faire prendre au piège de la dédiabolisation. Elle se systémise et devient comme les autres." Les sarkozystes s'appuient, pour étayer cette thèse, sur l'offre de service de Marine Le Pen à François Hollande : "puisque la cohabitation est possible, je gouvernerai, je mènerai la politique que les Français attendent. Ce sera un bras de fer probablement terrible avec François Hollande", a lâché la présidente du FN sur France Info, le 2 septembre.
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Puisque, contrairement à son père, Marine Le Pen est prête à gouverner, c'est qu'elle est partie intégrante du système qu'elle critique à tout va. CQFD. Une erreur selon Pascal Perrineau, pour qui "les Français ne partagent pas ce sentiment. Le FN reste, pour une majorité de Français, un parti qui n'est pas porteur d'une culture de gouvernement. Même l'électorat de droite est divisé sur la question." Il voit un autre problème à ce positionnement : "déclarer que le FN est un parti de gouvernement comme les autres suscitera des réactions chez nos voisins européens. Souvenez-vous du tollé lorsqu'en Autriche, le FPÖ autrichien s'est allié avec la droite modérée !"
En revanche, pour Thomas Guénolé, "ce n'est pas idiot" car "il y a plusieurs contradictions qui sont des angles d'attaque porteurs : vous ne pouvez pas à la fois à la fois être anti-système et mener une stratégie de normalisation."
Assurer que "le FN est une création de François Mitterrand". La bande à Sarkozy, elle, a déjà trouvé un slogan pour appuyer son angle d'attaque : "le FNPS", dérivé ironique de "l'UMPS" que Marine Le Pen utilise dans toutes ses interventions médiatiques. Pour Thomas Guénolé, "c'est une bonne idée car il y a un argument facile à utiliser dans le débat public : le FN est une création de François Mitterrand. Sarkozy est tout à fait fondé à dire cela." Pour Jean-Luc Mano, spécialiste de la communication politique joint par Europe 1, "cela peut fonctionner. mais on ne sait qu'à l'usage si un slogan est efficace".
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Rue de Miromesnil, on explique aux visiteurs du soir que si Le Pen n'avait pas appelé à voter blanc au second tour, François Hollande n'aurait pas été élu. La responsable des errances du socialiste au pouvoir, c'est donc (aussi) elle. CQFD. Pour Jean-Luc Mano, c'est "une bonne intuition car Sarkozy ne veut plus chasser les électeurs sur les terres du FN, mais chasser le FN de ses terres".
* Auteur de "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible", aux éditions First, 2013.