"Les brebis galeuses, il y en a partout. Là, il y en a une, c'est vrai", a lâché François Rebsamen, mercredi, parlant bien sûr de "l’affaire Thévenoud". Ce que le ministre du Travail oublie, c’est que ce n’est pas la première fois qu’un ministre est épinglé après sa nomination par la Haute autorité pour la transparence. Yamina Benguigui, alors ministre délégué à la Francophonie, en a elle aussi fait les frais, tout comme un certain… François Rebsamen, qui avait sous-évalué son patrimoine immobilier.
>> La question se pose donc de savoir s'il est possible d'éviter en amont ces situations qui fragilisent la majorité en place. Europe1.fr l’a posée à René Dosière, élu apparenté PS spécialiste des questions financières, et à Charles de Courson, député UDI de la Marne, et en pointe sur les questions de transparence de la vie publique.
La Haute autorité sur la transparence ne peut-elle pas étudier les cas des ministres potentiels avant leur nomination, et non après comme c’est le cas aujourd’hui ?
René Dosière : Cela me semble impossible. Un remaniement se fait souvent en moins de 48 heures. Et puis quelqu’un peut être ministrable à 14 heures, et ne plus l'être à 14h30… Les tractations politiques sont intenses et très rapides à ce moment là. Donc je ne vois pas comment, techniquement, la Haute autorité pourrait étudier les dossiers en amont. C’est surtout au ministre potentiel, en l’occurrence Thomas Thévenoud, de dire, en conscience, qu’il n’est pas en situation d'accepter le poste.
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Charles de Courson :Je pense que ce serait une très bonne chose oui. Quand quelqu’un est pressenti, ce serait bien que le gouvernement, le Premier ministre et le président de la République soient certains qu’il est "clean" d’un point de vue fiscal. C’est techniquement possible car la composition d’un gouvernement dure un jour ou deux et les services fiscaux - si les nouveaux ministres ne sont pas trop nombreux -, peuvent vérifier les dossiers.
Le trésorier de l’Assemblée nationale était au courant car des retenues sur salaires avaient été exigées. Aurait-il dû avertir les autorités politiques de la situation du député Thévenoud ?
René Dosière : Sûrement pas ! Je vous rappelle que l’Assemblée nationale n’est pas l’employeur des députés, ce n’est qu’un prestataire de services. Les fonctionnaires sont donc tenus à une sorte de déontologie professionnelle, qui les empêche de juger des éléments financiers. Si un élu veut payer son collaborateur 8.500 euros, le fonctionnaire ne peut rien lui dire tant qu’il reste dans le cadre de ses crédits alloués. Il n’est qu’un exécutant et il n’a pas à "cafter" à son chef de service.
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Charles de Courson : Le système actuel, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, n’est pas bon. Quand un député ou un sénateur se voit adresser par l’administration fiscale un avis à tiers détenteur, c’est qu’il a un grave problème. Cela mériterait au moins d’être signalé au président de l’Assemblée nationale ou à son président de groupe afin qu’il soit reçu et donne des explications. Des gens peuvent avoir des difficultés, cela peut arriver. Mais qu’il s’en explique et que l’on vérifie que ces difficultés ne sont pas liées à une volonté de frauder. Ce n’est pas normal que personne n’ait été averti de la situation de Thomas Thévenoud pendant plus de deux ans.
Un député socialiste propose que les candidats à la députation déposent une attestation de régularisation fiscale à la préfecture en amont. Est-ce envisageable ?
René Dosière : Premièrement, je trouve qu’il faut arrêter de surréagir à la moindre anomalie liée à un comportement personnel. Ce n’est pas parce qu’un député a eu un comportement déplacé qu’il faut légiférer pour tout le monde. Et, une fois élu, tous les députés doivent se soumettre à une déclaration de patrimoine et d’intérêts. Le faire avant serait inutile. Il y a également, je vous le rappelle, le respect de la vie privée, qui est constitutionnel. C’est quoi la prochaine étape ? On va demander aux candidats s’ils ont des maitresses ? Il y a déjà beaucoup de contraintes qui pèsent sur les élus, n’en rajoutons pas sur les candidats car plus personne ne voudra faire de la politique !
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Charles de Courson : Ce n’est pas du tout une bonne idée, car "les canailles" vous attesteront qu’ils sont "cleans" et cela n’aurait aucune portée. Ce qu‘il faudrait, c’est demander directement aux services fiscaux de délivrer une attestation, ce qui est tout à fait possible et existe déjà dans le monde de l’entreprise. Dans le cadre de l’obtention d’un marché public par exemple, les entreprises candidates doivent fournir une attestation des services fiscaux. Ce serait donc très facile à mettre en place.
Un élu UMP a annoncé sa volonté de proposer une loi organique instituant une procédure de déchéance d’un parlementaire en cours de mandat. Y êtes-vous favorable ?
René Dosière : On peut l’envisager. Mais alors, pour moi, cela ne s’appliquerait pas dans le cas de Thomas Thévenoud. Il a fauté, c’est une évidence, et il aurait dû démissionner. Mais il a régularisé sa situation fiscale et il n’est pas mis en accusation par la justice. Il faudrait strictement encadrer cette loi - par exemple pour une trahison nationale - car on ne peut pas obliger un parlementaire à démissionner. C’est le gage de son indépendance. Imaginez un gouvernement en difficulté qui pourrait "lourder" des députés qui ne lui reviennent pas ! Dans le cas de Thévenoud, il s’agit d’un comportement incontrôlable. Je ne vois pas comment la loi peut régler ça. On ne peut pas rentrer dans la tête des gens. Vous voulez que l’on vote une loi exigeant qu’il est interdit d’être stupide ?
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Charles de Courson : C’est une idée qui mérite d’être étudiée de près. Il faudrait dans ce cas une loi extrêmement précise car il ne faut pas non plus que cet outil soit utilisé pour éliminer des adversaires politiques. Il faut faire attention, la destitution est un acte grave. Cela dit, il n’y a pas que des problèmes fiscaux à régler et cela pourrait par exemple être utile dans le cas d’un élu qui n’est plus capable d’exercer son mandat. Là, un comité médical pourrait se réunir et trancher, oui.