Paul Quilès, directeur de campagne en 1981
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? A 18h30, le directeur de la Sofres m'a téléphoné pour me donner la fourchette de sondage de sortie des urnes. Il m’a dit : "Tu peux annoncer à Mitterrand qu'il est élu". Je l’ai donc appelé. Il était à Château-Chinon. Il nous a dit : "Enfin les ennuis commencent". J'ai appelé le préfet de police, qui m’a donné son accord pour la fête place de la Bastille.
Une anecdote, un souvenir marquant ? J'ai fait chanter l'Internationale à toute la foule, avec Gaston Deferre (maire PS de Marseille, ndlr). C’était un grand moment, les gens pleuraient. Ils disaient des phrases définitives comme "la vie commence", "enfin une nouvelle vie".
Si vous deviez résumer la soirée en un mot ? Une fête pour l'histoire.
Catherine Nay, éditorialiste politique à Europe 1
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? Dès 19h00, j’étais à Antenne 2. Dix minutes avant les résultats, je scrutais les visages de Jean-Pierre Elkabbach et Etienne Mougeotte, qui restaient absolument impassibles. Quand le portrait est apparu, j’ai cru jusqu’à la moitié du visage que c’était Giscard. Et puis non. Surprise, c’était Mitterrand.
Une anecdote, un souvenir marquant ? Je me souviens de la phrase de Jack Lang : "On est passé de l’ombre à la lumière". J’ai trouvé ça assez présomptueux et un peu ridicule.
Si vous deviez résumer la soirée en un mot, une expression ? Excitation.
Serge Moati, réalisateur, écrivain
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00? J'étais au siège du Parti socialiste, dans la foule. Je connaissais les résultats depuis 18h30. Il y avait une grosse télévision et on vu la fameuse image se découvrir. Un front, avec des cheveux dégarnis. Ca pouvait être Giscard ou Mitterrand. J'étais partagé entre un sentiment de grande joie et une certaine mélancolie, parce que c'était la fin de la campagne. Ce Mitterrand que j'avais tellement connu devenait le président de tous les Français. Il nous échappait, j'avais une espèce de gueule de bois.
Une anecdote, un souvenir marquant? Le discours de François Mitterrand à Château-Chinon. C'était très émouvant. Il n'était pas du tout triomphaliste. Ca avait de l'allure.
Si vous deviez résumer la soirée en un mot ? Magique.
Jacques Séguéla, publicitaire, patron de l’agence RSCG
Que faisiez-vous le soir du 10 mai 1981 à 20 h00 ? J’étais à Château-Chinon, aux côtés de François Mitterrand. Il venait de préparer son discours, il avait demandé deux, trois textes, mais finalement il ne s’en est tenu qu’à lui-même et a fait ce très joli discours vers 21 h00 à la télévision. Il dit alors : "Je dédie ce septennat aux forces de la jeunesse". Il y avait une ambiance d’un bonheur assez tranquille, beaucoup de tendresse, car c’était avant tout le premier cercle qui était à ses côtés : ses amis, ses enfants, sa femme.
Quel est le souvenir marquant de cette soirée ? C’est un souvenir de publicitaire. J’avais demandé à mon premier client, Citroën - qui n’était pas tout à fait de gauche - de me donner la permission de travailler pour la campagne présidentielle de Mitterrand. On m’a répondu : "d’accord, mais à condition que le président roule en Citroën". On lui a donc fait, sur mesure, une CX prestige pour toute la durée de sa campagne. Et le soir de l’élection, la CX l’attendait pour l’emmener à Paris. Mais lorsqu’il a quitté Château-Chinon, un orage a éclaté et quand il est monté dans la voiture, il y a eu une panne d’essuie-glaces. Il a donc dû monter dans la voiture qui devait l’accompagner derrière, une horrible Renault. Et quelques jours plus tard, Paris-Match publiait en page centrale, la photo de la fameuse Citroën, avec comme titre "Première panne de François Mitterrand !".
Si vous deviez résumer la soirée en un mot ? Il m’en faut deux : nouvelle ère.
François Lamy, conseiller de Martine Aubry
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? J'ai découvert le résultat avec ma famille devant la télé. Avec mon frère, on a poussé un cri de joie. Mais mes parents étaient de droite donc ça a donné lieu à une petite altercation.
Une anecdote, un souvenir marquant ? Peu après l’annonce de la victoire,on est descendus dans la rue pour aller à la Bastille. Sur le chemin, j’ai arraché toutes les affiches de Giscard.
Si vous deviez résumer la soirée en un mot ? La joie.
Robert Namias, journaliste politique à Europe1 en 1981
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? J’étais dans les studios d’Antenne 2 pour couvrir la soirée électorale avec les équipes d’Europe 1. Je donnais les résultats avec Patrick Poivre d’Arvor. A 20h00, l’essentiel du suspense était passé. Nous avions eu les premières estimations entre 18h10 et 18h50. L’écart entre Mitterrand et Giscard était très important. On était donc absolument certain que ce serait Mitterrand. Ca a été un formidable moment. Peu avant 20h00, on a chacun passé descoups de téléphone à nos amis, notre famille, pour leur dire que c’était Mitterrand.
Une anecdote, un souvenir marquant ? Il y avait un petit-déjeuner organisé le samedi 9 mai à 8h30 par l’Ipsos, à l’hôtel Méridien porte Maillot. L’écart entre Mitterrand et Giscard était tellement marqué que le président de l’institut, Jean-Marc Lech, a assuré devant tous les grands patrons du CAC40 que si Mitterrand n’était pas élu, il se raserait sa longue barbe ! Aujourd’hui, il l’a toujours.
Si vous deviez résumer la soirée en un mot ? Historique.
Claude Lelouch, réalisateur
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? J'étais dans ma voiture, je revenais de Normandie. J’ai appris la nouvelle à la radio. Dans les autres voitures, il y avait ceux qui levaient le pouce en l'air et ceux qui le dirigeait vers le bas. Moi, je m'en foutais complètement. J’étais comme un spectateur qui regarde un film.
Une anecdote, un souvenir marquant ? J'ai vu des traumatismes énormes chez certains de mes amis. J'ai compris à quel point ça les marquaient alors que moi, ça ne me faisait ni chaud ni froid.
Si vous deviez résumer la soirée en un mot ? Rien du tout.
Gérard Carreyrou, chef du service politique d’Europe 1 en 1981
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? J'étais à Antenne 2 pour la soirée électorale avec l'équipe d’Europe1. C'est là que j'ai vu apparaître le visage de François Mitterrand à la télévision. En tant que citoyen, j'étais content. En tant que journaliste, on s'efforce de ne pas trop montrer ses sentiments.
Une anecdote, un souvenir marquant ? Dans la rédaction, les visages ont trahi le sentiment profond des uns et des autres. Jean-Pierre Elkabbach et Etienne Mougeotte étaient extrêmement déçus. Ca se voyait. Même s’ils essayaient de rester impassibles, on connaissait bien leur sentiment.
Si vous deviez résumer la soirée en un mot ? La rupture.
Jean-Marie Le Guen, député PS de Paris
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? On connaissait les résultats avant. A 18h25, je suis rentré dans le bureau où Jacques Attali (conseiller de Mitterrand, ndlr) a reçu les sondages. Il a appelé Mitterrand. On savait qu’on avait gagné. Je suis donc allé place de la Bastille tout organiser. Paradoxalement, il n’y avait pas énormément de monde dans la rue à 20h00 parce que tout le monde était devant la télévision.
Une anecdote, un souvenir marquant ? C'était assez drôle parce que c’était moi qui donnais la parole aux différents intervenants à la tribune. Il y avait des demandes de tous les dirigeants de la gauche pour prendre la parole. On a fait patienter Juquin (porte-parole du PC, ndlr) pendant plusieurs dizaines de minutes !
Si vous deviez résumer la soirée en un mot ? Victoire historique.
Michel Boujenah, acteur
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? J’étais chez des amis, on attendait les résultats. On sentait que l’événement en soit était historique. Mais je n’ai pas oublié l’ambiguïté qu’il y avait dans le parcours de François Mitterrand. Ca restait la victoire d’un homme qui avait fait de la conquête du pouvoir son objectif ultime. Même si je suis de gauche, ça ne m’empêche pas d’être lucide.
Une anecdote, un souvenir marquant ? Ce qui me faisait rire, c’était tous ces gens qui disaient qu’ils allaient quitter la France !
Si vous deviez résumer la soirée en un mot, une expression ? Historique.
Gérard Collomb, maire PS de Lyon
Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ? J'étais chez moi découvrant cette image historique sur ma télévision. Le visage de François Mitterrand s'est affiché. On a été dans la rue mais il pleuvait. Le soir même, après la victoire, on s'est attelé avec quelques amis à la préparation des législatives.
Une anecdote, un souvenir marquant ? Il y avait un certain nombre de jeunes, un peu excités, qui voulaient aller prendre d'assaut la mairie de Lyon pour manifester leur joie. On les en a dissuadés.
Si vous deviez résumer la soirée en un mot, une expression ? La joie.