L'INFO. Nicolas Sarkozy et son équipe le savaient. En n'inscrivant sur le compte de campagne présidentielle pas un seul euro dépensé avant l'entrée en lice officielle du président-candidat en février 2012, ils s'exposaient à des déconvenues financières. Le candidat UMP et son staff connaissaient parfaitement les risques encourus, selon plusieurs documents consultés par l'AFP. Résultat : le Conseil constitutionnel a rejeté le compte, obligeant l'UMP, au bord de la faillite, a lancé une campagne de souscription nationale.
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Le seul meeting de Toulon au cœur de la décision. Suivant la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), le Conseil constitutionnel a jugé que les frais (155.715 euros) du meeting de Toulon de Nicolas Sarkozy auraient dû figurer dans son compte de campagne. Cet événement avait eu lieu le 1er décembre 2011, soit deux mois et demi avant la déclaration de candidature de Nicolas Sarkozy, le 15 février 2012.
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Or, selon la décision de CNCCFP, "le compte de campagne déposé par M. Nicolas Sarkozy ne contient aucune dépense se rattachant à une manifestation ou à une action de propagande antérieure" à la date de sa déclaration de candidature. Au final, parmi les huit manifestations auxquelles a participé Nicolas Sarkozy en tant que chef de l'Etat et épinglées par la CNCCFP, le Conseil constitutionnel n'en retient qu'une seule: le meeting de Toulon.
Une campagne avant d'être candidat. Le Conseil constitutionnel a rappelé que la législation sur le financement des campagnes électorales "n'a ni pour objet ni pour effet de limiter les déplacements du président de la République non plus que sa participation à des manifestations publiques" dans le cadre de l'exercice de ses fonctions. Ainsi, les dépenses concernant les manifestations auxquelles le chef de l’État participe entrent dans le compte de campagne "que s'il apparaît que celles-ci ont revêtu un caractère manifestement électoral", ajoute la haute juridiction.
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Peu importe que Nicolas Sarkozy n'était pas candidat déclaré lors du meeting de Toulon. Dans sa décision, la CNCCFP considère que même si, en principe, la déclaration de candidature ou l'investiture constitue l'entrée en campagne et "le début des opérations qui devront être retracées dans le compte", dans le cas de Nicolas Sarkozy, ces opérations ont pu commencer avant : "le candidat a pu notamment engager effectivement des dépenses destinées à obtenir les suffrages des électeurs", écrit-elle dans sa décision.
Un cas de figure envisagé par le code électoral. Pour toutes ces raisons, le Code électoral prévoit que le compte de campagne doit retracer "l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection (...) dans l'année précédant le mois de l'élection". Autrement dit, à partir d'avril 2011 s'agissant de l'élection présidentielle 2012. La commission rappelle aussi "que les décisions antérieures du Conseil constitutionnel ou, en 2007", les siennes, "ont admis comme dépenses électorales et, le cas échéant, réintégré dans les comptes de campagne, des dépenses réalisées avant la déclaration publique de candidature ou l'investiture du candidat".
Une pratique à la loupe dès décembre 2011. Ce même rappel figure dans une réponse de la CNCCFP au mandataire de François Hollande, le député Daniel Vaillant, qui avait saisi la commission pendant la campagne en invoquant l'utilisation des "moyens de l'Etat" à des fins électorales par le président Sarkozy. Or, cette lettre est datée du 13 décembre 2011. Avant de répondre, la CNCCFP avait "sollicité les observations du candidat" Sarkozy, précise sa décision. L'équipe de campagne ne pouvait donc pas n'ignorer les règles détaillées de financement politique.
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"Nous avons reçu le président et les personnes de ses équipes de campagne, et nous les avons mis en garde", assurait samedi le président de la commission, François Logerot. Il relève aussi "l'absence de sincérité" du compte. Pour les huit manifestations litigieuses, la commission dit avoir été "empêchée par l'absence de réponse aux questions de ses rapporteurs" d'établir la nature et l'importance des dépenses engagées. Elle note aussi "l'impossibilité d'accéder par elle-même à toute information sur les dépenses de la présidence de la République".