Le gouvernement est parti en guerre contre le Front national. Côté vitrine, cela se concrétise par le déplacement de Manuel Valls, mardi à Forbach, récent fief de Florian Philippot, numéro 2 du parti frontiste. Côté coulisses, c’est François Lamy qui s’est attelé à un véritable travail de fourmis. Selon les informations de Caroline Roux, d’Europe 1, le ministre de la Ville a été chargé de mettre au point une carte de France bien particulière, que l’Elysée et Matignon comptent bien exploiter comme un outil contre le Front national.
Un pavé de 1.000 pages. Au final, le document compte près de 1.000 pages. Il aura fallu un an et une collaboration étroite avec l’Insee pour mettre en place cet outil inédit, qui va désormais servir de base à toutes les politiques publiques. On y trouve des cartes satellites de plusieurs villes ou régions de France, avec de nombreuses couleurs. On retrouve ainsi en jaune les concentrations de pauvreté, là où les revenus du foyer sont inférieurs au seuil de pauvreté, 11.250 euros par an, soit 60% du revenu médian.
Exemple avec cette carte d'Amiens :
(En rouge, les ZUS créées en 2006. En bleu, les quartier du contrat urbain de cohésion sociale, hors ZUS, qui ont été rajoutés en 2006)
Et la corrélation avec le vote FN est évidente. Hénin-Beaumont, Carpentras, Villeneuve-sur-lot, Brignoles… Là où se trouvent les zones de pauvreté, le FN prospère.
Un outil efficace ? Reste à savoir si cet outil se révèlera efficace pour contrer l’essor du Front national. La méthode repose au moins sur le bon diagnostic. Les coups de mentons, les déclarations sur les valeurs, les mises en garde contre le FN, tout cela ne marche plus. Il faut pour le gouvernement démontrer que la politique peut encore quelque chose pour ceux que Marine Le Pen appelle "les oubliés". Le gouvernement a une carte des urgences en main, à lui de dégager les moyens et d’en faire bon usage.
Politiquement périlleux. Ce nouveau maillage, extrêmement scientifique, ne laissera en tous cas plus de place aux petits arrangements locaux. Ainsi à Amiens, où une Zone urbaine sensible (Zus), située en partie en plein champ, pourrait, sur la base du document, être déclassée, et ainsi ne plus pouvoir profiter d’exonérations fiscales et sociales, comme la TVA à taux réduit. Politiquement d’ailleurs, l’opération s’annonce périlleuse, car certains quartiers jusqu’ici cibles de toutes les attentions ne rentrent plus dans ces critères et vont donc tout naturellement sortir des priorités. François Hollande a demandé par précaution la liste des maires qui bientôt vont devoir faire sans les aides de l’Etat. Histoire de préparer le terrain avec les élus les plus médiatiques.