L’INFO. On ne connaît ni son nom ni sa date de diffusion, mais la classe politique s’émeut déjà. D8 a l’intention de diffuser une émission dans laquelle, selon Le Parisien de mardi, huit hommes et femmes politiques, grimés de la tête au pied, vont se confronter aux réalités quotidiennes des Français. Si la téléréalité a déjà tenté d’approcher les politiques, c’est la première fois que ces derniers jouent le jeu sur une chaîne généraliste.
Un casting riche, mais… Nom de code du programme : "Monsieur et Madame Tout-le-Monde". Au casting : Samia Ghali, sénatrice socialiste, déguisée en mère de famille à la recherche d’un logement ; Michèle Alliot-Marie, ancienne ministre de l’Intérieur, devrait entrer dans le costume d’une gardienne de la paix ; Dominique Bussereau, ancien ministre des Transports, passera un stage de récupération de points de permis de conduire ; Thierry Mariani, député des Français de l’étranger, vivra la vie d’un handicapé en fauteuil roulant ; Bernard Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale, sera brancardier aux urgences ; Julien Dray, conseiller régional PS d’Ile-de-France, sera un professeur de lycée ; Jean-Luc Romero, maire adjoint du 12e arrondissement de Paris, enfilera les habits d’un militant associatif ; enfin Geoffroy Didier, secrétaire général adjoint de l’UMP, endossera la casquette de chauffeur de taxi.
Didier et MAM démentent leur participation. Problème, certains n’ont pas encore donné le feu vert à leur concours. C’est notamment le cas du dernier cité, qui assure à Europe1.fr qu’il ne participera finalement pas à l’émission. "J’ai hésité", reconnaît Geoffroy Didier. "Je ne critique pas le concept, cela peut même être intéressant. Mais cela peut aussi être mal compris par les Français…", poursuit le cofondateur de la Droite forte, qui a simplement fait un test, ce qui explique que sa photo paraisse en Une du Parisien. Michèle Alliot-Marie a, elle aussi, démenti sa participation. Dans son entourage, joint par Europe1, c’est la colère qui domine, accompagné d'un sentiment de trahison : "les photos n’auraient jamais dû sortir !" Mais si des garanties sont apportées par la production, alors MAM pourrait revoir sa position. "Mais c'est mal engagé...", confie-ton autour d'elle.
"Ce ne sera pas avant février, mars 2015". Un sentiment de confusion qui s’explique par le caractère secret qui règne depuis le début autour de ce projet. "On a tourné en mai dernier, et j’avais été contacté des mois avant", raconte ainsi Jean-Luc Romero (photo) à Europe1.fr. Quand Le Parisien avance une date de diffusion "dans quelques semaines", une source à D8 confie à Europe1.fr que "ce ne sera pas avant février, mars 2015. Il faudra que l’on étudie la grille de nos concurrents." Et d’ajouter : "on n’a pas de nom, le casting n’est pas arrêté et, à ce jour, tout n’est pas encore tourné." Selon nos informations, les fuites dans la presse, alors que la confidentialité était érigée en valeur cardinale, auraient eu du mal à passer. "Une enquête interne a été lancée", glisse-t-on à D8.
"On reproche sans cesse aux politiques de ne pas vivre la vie des gens !" Si des zones d’ombre subsistent donc, certains hommes politiques ont bel et bien décidé de jouer le jeu. Certaines séquences ont même déjà été tournées. Dans l’entourage de Dominique Bussereau, on assure ainsi à Europe1.fr que "l’expérience a été très intéressante. Il s’est bien amusé et a appris des choses". Bernard Accoyer, médecin de profession, n’avait plus mis les pieds aux urgences depuis mai 68. Enfiler la blouse blanche incognito lui a permis de comprendre "pourquoi les services d’urgences sont engorgés. On y soigne des cas graves mais aussi des petits bobos."
Contacté par Europe 1 mardi matin, Thierry Mariani (ci-dessus en fauteuil roulant) s’est lui aussi félicité de sa participation à cette émission : "on reproche sans cesse aux politiques de ne pas vivre la vie des gens ! Depuis, je vois les choses différemment, des choses que je ne percevais pas avant. Et cela n’a rien à voir avec de la téléréalité"
"C’est une perversion du débat politique". Alors même que le flou est grand autour de ce programme, les critiques affluent depuis la parution de l’article. Pour Alexandre Kara, chef du service politique d’Europe 1, "ce n’est que l’aboutissement d’une dérive à laquelle on assiste depuis 10 ou 15 ans : la volonté des politiques d’aller sur tous les plateaux pour faire n’importe quoi, chanter des chansons, raconter leur vie aux côtés d’artistes. Évidemment que cela fait du mal à la politique. Pourquoi un homme politique aurait besoin de se grimer pour aller au contact de la population ?" Un argument repris et développé sur France Info par Cécile Duflot, ancienne ministre du Logement : "je ne dois pas être une vraie responsable politique. Parce que moi, je n’ai pas besoin de me déguiser pour aller au Super U, pour emmener mes enfants à l’école et pour vivre normalement."
François Fillon, invité d’Europe 1, mardi matin est plus virulent encore : "les Français portent un regard assez méprisant sur les politiques qui ne sont attirés que par la caméra, l’image, la télévision. S’ils ont besoin de se déguiser pour voir la vie, c’est qu’ils ont un problème…" Et de conclure : "c’est une perversion du débat politique".