Il faut sauver le soldat Taubira. Depuis la place Vendôme, siège du ministère de la Justice, une vaste opération de communication a été lancée, selon les informations d’Europe 1. L’objectif est de promouvoir la réforme pénale que la garde des Sceaux, maintenue à son poste lors du remaniement de début avril malgré les critiques, doit présenter au début du mois de juin. Alors, les services de la ministre ont lancé une opération séduction.
Des "éléments de langage" pour… les journalistes. Première cible, les journalistes. D’ordinaire hermétique, voire secret, le cabinet de Christiane Taubira reçoit en ce moment les journalistes par petits groupes. Là, on leur remet le traditionnel dossier de presse vantant les mérites de la réforme pénale. Mais pas seulement. A ce classique document, qui détaille les mesures et les objectifs prévus dans la loi, s’ajoute un autre, plus surprenant et surtout beaucoup plus politique. Il s’intitule "Réponses aux arguments entendus contre la réforme pénale".
Ce document se présente sous forme de tableau. Dans la colonne de gauche : les "Arguments contre". Dans la colonne de droite : les "éléments de réponse". Par exemple, il est souvent reproché à Christiane Taubira de vider les prisons. Elément de réponse : "les prisons sont pleines et il n'y a pas de choix fait de les vider", avec un raisonnement en trois points. Autre exemple : 5% des délinquants sont responsables de 50% des délits. Elément de réponse : "c'est une légende inventée par Sarkozy", chiffres à la clé. Au total, ce document fait neuf pages. D’ordinaire, ces "éléments de langage" sont destinés aux députés ou aux politiques pour batailler sur les plateaux télés ou au Parlement.
Les avocats dragués. Mais les journalistes ne sont pas les seules cibles du ministère de la Justice. L’entourage de Christiane Taubira recherche aussi des soutiens chez les avocats. Et c'est une ancienne collaboratrice de la ministre, aujourd'hui en poste au parquet d'Evry, donc hors cabinet, qui fait du lobbying. Un avocat pénaliste - réputé - a récemment reçu la visite, dans son cabinet, de cette magistrate, qu'il n'avait jamais vue auparavant. Et qui lui a donné le dossier de presse de la réforme en mains propres. "Ce serait bien si les avocats pouvaient se faire entendre, nous soutenir", lui a-t-elle glissé. Ce ténor du barreau l’assure à Europe 1 : il n’en revient toujours pas.
Un enjeu politique. Si la Chancellerie s’agite ainsi, c’est que Christiane Taubira est sous pression. Réputée solide, inébranlable, elle semble désormais plus fébrile. Car elle sait que sa présence au gouvernement est devenue un enjeu politique. En maintenant Christiane Taubira à la Justice, François Hollande a refusé de donner raison à ceux à droite, à gauche et dans la magistrature qui demandaient sa tête. Or, en deux ans, la garde des Sceaux, qui a certes mené à bien le combat du mariage gay, n’a encore rien prouvé en matière de justice. Elle ne peut donc pas se permettre un échec sur cette réforme pénale.