Qu’il est loin ce 6 mai 2012 où la gauche festoyait dans les rues ! Depuis, François Hollande et Jean-Marc Ayrault essuient des critiques venues de toute la classe politique, qui leur reproche leur manque de volontarisme. Le président, lui, veut "prendre le temps de décider", et assume sa méthode. Après six mois au pouvoir, que peut-on retenir de son action ? Europe1.fr a posé la question au politologue Pierre Bréchon.
Quelle mesure retenez-vous de la nouvelle majorité au bout de six mois ? L’exécutif a souhaité donné une image de long terme à son action, à l’inverse de ce qu’a fait son prédécesseur. Certaines mesures symboliques ont été prises, comme la forte baisse de salaire du président, mais il faudra attendre encore un peu, peut-être jusqu’à mardi (le gouvernement fera des annonces suites au rapport Gallois, Ndlr), pour en savoir plus.
"Hollande a dû faire évoluer sa pratique du pouvoir"
Donc il n’y a pas une seule réforme structurelle concrète en six mois… Non, c’est vrai. Vous pouvez penser que c’est un manque. Je vous renvoie alors aux premières mesures de Nicolas Sarkozy, sur la loi Tepa ou le bouclier fiscal, qu’il a traînées comme un boulet pendant cinq ans. Donner du temps en temps est souvent une bonne chose, mais le revers de la médaille est que l’exécutif actuel semble hésitant là où l’ère Sarkozy était marquée du sceau du volontarisme.
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François Hollande voulait marquer une rupture avec la pratique du pouvoir de Nicolas Sarkozy. A-t-il réussi ? Indéniablement. Il a un style complètement différent, justement pour des raisons stratégiques. Lui veut prendre son temps, quand Nicolas Sarkozy dégainait une loi tous les jours, ou presque. Cela dit, certainement en raison de sa chute dans les sondages, François Hollande a dû faire évoluer sa pratique du pouvoir en intervenant davantage dans les médias. Il ne l’avait peut-être pas prévu, mais le quinquennat a fait évoluer les choses en ce sens, et Nicolas Sarkozy l’avait compris en premier.
2012 restera "une victoire étriquée"
Comment expliquer que François Hollande batte des records d’impopularité ? Je ne pense pas que cela tienne à son image, car elle était plutôt bonne lors de sa campagne. En revanche, sa victoire étriquée l’explique en partie. Nombre d’études ont montré que le vote de 2012 a autant été un vote contre Sarkozy qu’un vote pour Hollande. C’est donc logique qu’il connaisse un démarrage difficile, d’autant que la crise rend l’exercice du pouvoir difficile. Le couple Sarkozy-Fillon avait également connu beaucoup de critiques dès l’automne 2007. La presse était aussi critique qu’elle l’est aujourd’hui avec Hollande et Ayrault.
Le gouvernement est sans cesse taxé d’amateurisme par l’opposition. Etait-ce déjà le cas en 1981 ? Absolument, car une partie de la droite française part du postulat que la gauche n’est pas légitime pour gouverner, qu’elle n’en a pas les compétences. Je pense même que les débuts avaient été encore plus difficiles en 1981. Dès les élections cantonales de 1982, la gauche avait essuyé un recul fort. Le programme socialiste était plus "décalé" par rapport à la situation existante, avec l’ambition de changer la société française. C’était donc encore plus difficile à avaler pour la droite
Quel conseil lui donneriez-vous ? Croire au long terme d’un quinquennat et résister aux emportements, qui sont rarement de bons conseils.