"Vous savez, changer un lampadaire n’est ni de droite ni de gauche". Voilà comment Pape Diouf, candidat déclaré à la mairie de Marseille depuis lundi soir, a revendiqué, auprès d’Europe 1, son apolitisme et celui de sa liste, le Sursaut. Pour autant, cette nouvelle candidature n’est pas franchement accueillie avec la même sérénité dans le camp du candidat PS, Patrick Mennucci, que dans celui de son rival de l’UMP, Jean-Claude Gaudin, maire en place depuis 1995. Car l’ancien président de l’OM n’a jamais caché qu’il penchait plutôt à gauche. C’est donc dans ce camp qu’il devrait grappiller des voix.
Le camp Mennucci jure rester serein. Dans les rangs du candidat socialiste, on affiche évidemment une sérénité de bon aloi face à cette nouvelle. "Rien ne change", assure ainsi à Europe1.fr Dominique Bouissou, directrice de cabinet de Patrick Mennucci. "C’est une personne de plus qui explique que la ville est abîmée par vingt ans de droite et qu’il faut la réparer. C’est un constat qu’on fait depuis plusieurs mois", poursuit-elle, laissant entendre qu’un rapprochement entre les deux tours est probable. "On imagine mal qu’un homme qui dresse un tel constat de 20 ans de mandature de Jean-Claude Gaudin aille voter ensuite pour la continuité". Bref, conclut cette proche de Patrick Mennucci, "ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour nous, mais pour Jean-Claude Gaudin".
En 2012, aux côtés de Mennucci, il soutenait Hollande… Pape Diouf n’a jamais caché sa préférence pour la gauche. D’ailleurs, en mars 2012, il avait publiquement soutenu le candidat François Hollande à la présidentielle. L’ancien journaliste sportif en avait fait l’annonce aux côtés d’un certain Patrick Mennucci, à qui il apportait, dans le même temps, son soutien pour les législatives.
En octobre 2013, le même François Hollande avait personnellement remis les insignes de la Légion d’honneur, à l’Elysée, à Pape Diouf.
…Qui a tenté de le dissuader. Depuis, l’ancien président de l’OM est retourné à plusieurs reprises au palais présidentiel. Il y a quelques semaines, comme le rapporte Le Point, c’est le secrétaire général de l’Elysée, Pierre-René Lemas, qui l’a encore reçu. Et lundi après-midi, c’est le président de la République en personne qui l’a accueilli. Avec, à chaque fois, le même dessein : convaincre Pape Diouf de se ranger derrière Patrick Mennucci. En vain. "Mon objectif n'est pas de l'affaiblir (le candidat PS, ndlr), mais si je dois prendre des voix à gauche ce n'est pas mon problème", a-t-il déclaré mardi lors d’une conférence de presse.
Une liste apolitique, vraiment ? Cette proximité avec la gauche est également visible dans la composition même de la liste de Pape Diouf, le Sursaut. Alors que la plupart des écologistes marseillais ont décidé de faire équipe avec Patrick Mennucci, l’ancien agent de joueurs accueille les dissidents EELV. C’est par exemple le cas de Sébastien Barles, conseiller municipal d’opposition et co-fondateur du Sursaut, qui s’est réjoui de la déclaration de Pape Diouf sur Twitter.
Le profil de réconciliateur de #Diouf permettra d'en finir avec une ville fracturée et gangrenée par un système à bout de souffle. De l'air— Barles Sebastien (@sebbarles) 4 Février 2014
Il se murmure également que Daniel Cohn-Bendit, figure des écologistes européens et par ailleurs chroniqueur dans la matinale d’Europe 1, pourrait, selon Le Point, se rendre à Marseille pour soutenir Pape Diouf durant la campagne.
Enfin, le Sursaut pourrait accueillir des socialistes dissidents, lassés du "système Guérini", du nom du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, impliqué dans plusieurs affaires judiciaires. Il n’y aura en revanche pas de communistes ni de membres du Parti de gauche, comme il en fut un temps question. Son chef de file, le communiste Jean-Marc Coppola, s'est interrogé, dans un communiqué publié lundi soir, sur "le sens d'un regroupement si hétéroclite". "Au Front de gauche, nous ne croyons pas en l'homme ou la femme providentiels", dit-il. N’empêche. L’existence même de discussions entre Pape Diouf et le Front de gauche suffit à donner à sa liste une orientation clairement à gauche.
Une assise populaire incontestable. Et si Pape Diouf constitue un danger pour la gauche, c’est aussi en raison de sa popularité dans la cité phocéenne. Si aucun sondage n’a encore pris la mesure du poids politique du nouveau candidat, son assise populaire est indéniable. Président de l’OM de 2005 à 2009, l’homme a laissé de très bons souvenirs aux supporters, qui l’ont élu meilleur président de l’ère Robert Louis-Dreyfus (1997-2009). Or, le club est une institution dans la ville. En outre, Pape Diouf peut arguer de son parcours, lui le Sénégalais arrivé à Marseille à 18 ans, et qui a su gravir tous les échelons jusqu’à devenir une figure incontournable de Marseille. Autant d’atouts à même de séduire l’électorat populaire.
La droite se frotte les mains. A l'UMP, on ne s’est pas trompé sur l’écueil que représente la candidature de Pape Diouf pour l’adversaire. "Alors que la gauche marseillaise s'était présentée unie en 2008, elle est cette fois-ci émiettée, fragmentée, explosée!", s’est réjoui Yves Moraine, porte-parole de Jean-Claude Gaudin. "Comment Patrick Mennucci, qui n'arrive pas à réunir son camp, pourrait-il prétendre rassembler les Marseillais?", s’est-il ensuite benoîtement interrogé.
L'INFO - Pape Diouf candidat à Marseille
SONDAGE - Gaudin battrait Mennucci au second tour
NATATION - Bousquet sur la liste de Gaudin