Discours de politique générale : quelques conseils pour Manuel Valls

Manuel Valls fera son discours de politique générale mardi, devant l'Assemblée nationale.
Manuel Valls fera son discours de politique générale mardi, devant l'Assemblée nationale. © Reuters
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MÉMENTO - Le Premier ministre tient son discours de politique générale cet après-midi. Comment ne pas se planter ?

Les enjeux. "C'est un discours important, il faut que je me l'approprie", confiait Manuel Valls dimanche, dans le JDD. Le nouveau Premier ministre fera son discours de politique générale mardi, devant l'Assemblée nationale. Après la lourde défaite électorale des municipales, le chef du gouvernement doit regagner le cœur des Français, sans froisser l'aile gauche du PS, méfiante, et sans promettre de miracles, dans un contexte de disette budgétaire. Une équation complexe qui souligne l'importance du discours de mardi, qui fixera les grands principes de l'action du gouvernement.  

D'autres, avant lui, se sont pliés à l’exercice. Mais Comment ne pas le rater ? On a posé la question à Fernand Tavarès, de l'Association des journalistes parlementaires, Patrick Charaudeau, chercheur au CNRS spécialiste des discours politiques et François Belley, publicitaire à l’agence Twinkle Twinkle et spécialiste de communication politique.

"FAIRE DU VALLS" MAIS ÉVITER LE "REGARD LANCE-FLAMME"

Les discours des Premiers ministres, Manuel Valls en a l'habitude. Collaborateur de deux anciens Premiers ministres, Michel Rocard et Lionel Jospin, le catalan est rodé. C'est, toutefois, le premier qu'il aura à prononcer lui même. Et il y a des pièges dans lesquels il risque, lui plus qu'un autre, de tomber. "Il a une forte personnalité, il est sanguin, et peut parfois s'emporter. Il devra donc garder son sang froid même s'il y a des piques de la droite pendant le discours ", prévient ainsi  Fernand Tavarès. "Sur le ton, il devra s'efforcer de rester calme. Il doit s'entraîner à parler de façon solennelle, sans son regard 'lance-flamme' auquel il nous avait habitué", poursuit le journaliste parlementaire.

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Manuel Valls s'en prend au député UMP Claude...par LeLab_E1

Mais le Premier ministre ne devra pas non plus tomber trop dans le "solennel". Car cela ne lui ressemble pas. "Manuel Valls a un style et un charisme qui collait au ministère de l'Intérieur. Il est l'homme de gauche qui parle de sécurité, qui voulait changer le nom du PS, qui fait naturellement 'homme d’État'. Il y a une marque 'Valls'. Mais aujourd'hui, sa casquette évolue et il semble prendre plus de gravité", décrypte François Belley, pour qui ce changement de ton peut lui nuire. Le publicitaire prend l'exemple du 20h de TF1, de mercredi dernier : "il il était moins Valls qu'avant, il semblait moins sûr de lui. Or, il ne doit pas perdre ce style. C'est de là que vient sa popularité".

"Le piège dans lequel il ne doit surtout pas tomber, c'est de se construire une image qui n'est pas la sienne. Un discours ne peut pas être efficace si l'on sent qu'il est artificiel. Parfois, Jean-Marc Ayrault essayait d'avoir une image autoritaire et cela ne marchait pas", renchérit Patrick Charaudeau. Selon le chercheur, en ces temps de crise, "l'image autoritaire est importante". Et Manuel Valls est en mesure de jouer cette carte.  "Il doit jouer sur l'autorité. Il aurait raison d'utiliser un ton ferme, volontariste, rigoureux. En temps de crise, les couches populaires se précipitent vers les pôles autoritaires, voire souverainistes.  Pour éviter cela, il doit effacer l'image du manque de cohérence et d'indécision qui colle, à tort ou à raison, à François Hollande", poursuit le spécialiste des discours politiques.

"MANUEL VALLS DOIT RATISSER LARGE"

Le Premier ministre le sait : mardi, il sera sous le regard méfiant de centaines de parlementaires, à droite, mais aussi chez les écologistes… et même au sein du parti socialiste. "Le problème de Manuel Valls, c'est qu'il n'a pas de base solide à gauche, en termes d'images. Il ne doit donc pas se montrer trop fermé. Il doit réussir à trouver un équilibre entre l'autorité, sur la forme, et l'ouverture à gauche, sur le fond, dans ses mesures", estime François Belley.

"Le Premier ministre doit s'appuyer sur sa majorité. Or, c'est un lourd défi pour Manuel Valls. Car la gauche risque de le chahuter aussi. S'il annonce des coupes dans les allocations familiales, elle n'appréciera pas", renchérit Fernand Tavarès. "En outre, compte-tenu du résultat des municipales, il va devoir ratisser large. Il va devoir s'adresser de l'extrême gauche à l'extrême droite. Pour ça, il ne peut pas faire un discours vide. Il va annoncer des choses, c'est sûr. Il ne peut pas faire un discours à l'eau tiède", poursuit encore le journaliste parlementaire.

Selon le chercheur Patrick Charaudeau, Manuel Valls doit à minima "faire le grand écart entre la gauche de la gauche et les Verts". Mais il doit aussi "séduire ce que j'appelle 'l'électorat fluctuent', celui qui oscille entre le centre-gauche et le centre-droit, et 'l'électorat pas content', qui se tourne vers les extrême où l'abstention", précise-t-il.

CES EXEMPLES À NE PAS SUIVRE

Manuel Valls aura le poids de l'histoire sur les épaules. Car tous les Premiers ministres n'ont pas réussi leur départ. Parmi les plus importants ratés, celui d'Edith Cresson, en mai 1991."Elle était critiquée par toute la droite et par une partie de la gauche, les Rocardiens notamment. Elle s'est donc faite chahutée de toutes parts. Mais elle n'y pouvait pas grand-chose", se souvient Fernand Tavarès.

Pierre Bérégovoy, en avril 1992, a, en revanche, "tenté de faire un buzz", se rappelle le journaliste parlementaire. "Face aux piques mitraillées par le RPR, il a brandi une feuille en plein discours, et a menacé la droite de révéler des noms au sujet de certaines 'affaires'. Or, le RPR a quitté l'hémicycle et plus personne n'a écouté le discours après cela. En outre, il s'est avéré qu'il n'y avait rien sur cette feuille. Et que c'était un coup de com' préparé en amont", raconte Fernand Tavarès.

Outre ces deux cas très particuliers, l'histoire n'apprend pas de recette miracle pour éviter de rater un discours de politique générale. "Un discours intéressant et construit peut parfois donner une image néfaste", explique le chercheur Patrick Charaudeau. "Michel Rocard, par exemple, avait fait un discours parfait, bien construit, mais avec des mots compliqués. Il n'avait pas du tout été clair et il a gardé cette image élitiste, d'un homme qui ne s'adresse pas au peuple", poursuit le spécialiste des discours.

Et Patrick Charaudeau de conclure : "à l'inverse, un discours clair peut aussi avoir un effet néfaste. Cela dépend de ce qui est en cause. Je pense par exemple à un discours de Georges Pompidou, pourtant limpide, qui avait entraîné un tollé parce qu'il avait vivement critiqué l'Europe".

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