L'annonce. La fronde explosive des agriculteurs aura eu raison de l'écotaxe, du moins momentanément. Jean-Marc Ayrault a en effet annoncé mardi la suspension de la mesure sur tout le territoire sans limite de durée. "Suspension n'est pas suppression", a toutefois prévenu le Premier ministre. Cette taxe poids-lourds, prévue par la précédente majorité, doit être "corrigée", a-t-il indiqué, ajoutant que "pour y parvenir, il n'y a qu'un moyen, c'est le dialogue". "Ce projet voté en 2009, conçu par l'ancienne majorité, focalise aujourd'hui tous les mécontentements", a admis Jean-Marc Ayrault. "Elle n'est pas la cause de la crise de l'agroalimentaire mais elle soulève des questions de mise en œuvre", a-t-il fait valoir.
Pour apaiser les tensions, Jean-Marc Ayrault avait tenu mardi une réunion de crise à Matignon, en présence des ministres concernés et des élus bretons. "Le courage, ce n'est pas l'obstination, c'est écouter, comprendre", a justifié le locataire de Matignon, regrettant que l'absence des élus UMP à la réunion. Les opposants, qui demandent une suspension définitive, ne se démobilisent toutefois pas et prévoient toujours une manifestation samedi.
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À quoi servait cette taxe ? Cette taxe portait sur les poids lourds de 3,5 tonnes, circulant sur les routes nationales non payantes. Prévue pour être effective en janvier, son montant devait dépendre du nombre de kilomètres roulés et de la taille du véhicule. Elle devait rapporter 1,2 milliard par an à l’État. Le montant devait servir à la lutte contre les gaz à effet de serre et la réfection des routes, ce qui lui valait le soutien des écologistes. "L'écotaxe va coûter 42 millions d'euros à la Bretagne mais va lui en rapporter 135 en matière de transport routier, qualité des routes... À un moment, on ne peut pas ménager tout le monde. Moi, je demande une politique de gauche, une politique écologiste, une politique sociale, davantage tournée vers l'investissement", avait ainsi lancé Jean-Vincent Placé, le président du groupe EELV au Sénat, lundi sur BFMTV.
Créée et déjà repoussée par la droite. D’Alain Juppé à Jean-François Copé en passant par Bruno Le Maire ou le breton Marc Le Fur… tout l’UMP avait demandé le report de l’écotaxe. Le président de l'UMP s'est même dit mardi "soulagé" du "recul" du gouvernement. Pourtant, c’est bien à l’époque où la droite était au pouvoir que tout s’est joué. Inspirée d’une directive européenne de 1999 qui instaure une "euro-vignette", la taxe est officiellement détaillée, en 2007, lors du Grenelle de l'environnement, mené à l’épique par le ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo et le président Nicolas Sarkozy.
L’écotaxe est ensuite inscrite dans la loi du 3 août 2009 et elle est votée par tous les partis à l’exception… d’Europe Ecologie - Les Verts (EELV), qui ne la jugeait pas assez contraignante. Mais elle ne sera jamais mise en œuvre, le décret d'application étant repoussé d'année en année depuis. Et aujourd'hui, Jean-Louis Borloo lui même est contre. "Il s’est passé six ans, la crise est passée par là, on a pris 60 milliards de taxes en plus et les modalités qui sont prévues sont incompréhensibles", a-t-il défendu lundi sur Europe1.
La fronde continue. Pénalisant le transport de toutes les marchandises, et donc d'animaux, vivants et morts, d'engrais et autre alimentation animale, la taxe cristallisait la colère de tout le secteur agricole, et notamment en Bretagne, où il n'y a aucune autoroute. Face à sa non suppression, la manifestation prévue samedi à Quimper est d'ailleurs maintenue. Samedi dernier, des centaines d'agriculteurs ont manifesté, provoquant des heurts avec les forces de l'ordre ressemblant à des scènes des guérillas. L'un des manifestants y a même perdu une main. "Qu'est ce qu'il attend Ayrault pour suspendre l'écotaxe dans le Finistère, qu'il y ait un mort ?", avait alors scandé un éleveur de volaille en colère. Jean-Marc Ayrault semble l'avoir entendu.