Un ancien président placé sur écoute, une polémique naissante sur l’instrumentalisation de la justice, des avocats parfois célèbres qui s’indignent publiquement… et au final, un gouvernement qui découvre l’affaire ? Selon les informations de Caroline Roux, éditorialiste à Europe 1, c’est en tout cas la ligne fermement adoptée au plus haut sommet de l’Etat. Les services de Manuel Valls et de Christiane Taubira affirment ainsi que les ministres de l’Intérieur et de la Justice ne savaient pas que l’ancien président était écouté par des juges. Car, rappelle-t-on allègrement, la justice est indépendante.
Les déductions de Valls. Place Beauvau, on se veut très clair : Manuel Valls n’a pas été informé de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy. Il n’a eu aucun compte rendu, ni écrit ni oral, sur cette affaire. D’ailleurs, à la connaissance du ministre de l’Intérieur, les conversations entre l’ancien président et son avocat n’ont pas été transcrites par la justice, sinon, comme le ministre l’affirme lui-même, tout serait déjà dans la presse. En fait, selon ses proches, Manuel Valls a déduit que Nicolas Sarkozy était probablement écouté quand le ministre a appris que Brice Hortefeux et Claude Guéant, deux des plus proches de l’ancien chef de l’Etat, l’étaient déjà eux-mêmes.
Place Beauvau, on reconnait tout juste que le ministre peut être informé la veille d’une perquisition, uniquement parce que cela mobilise des effectifs de police. Un ancien ministre de l’intérieur, de droite, qu’Europe 1 a consulté, assure pourtant qu’il pouvait avoir accès aux relevés d’écoute. Réponse d’un proche de Manuel Valls : "ils avaient oublié à l’époque que la justice était indépendante. "
Chez Taubira, on s’agace. Au ministère de la Justice aussi, on affirme que Christiane Taubira a découvert l’affaire dans les journaux, comme tout le monde. L’entourage de la ministre s’indignait même qu’on puisse poser la question. "Les juges d’instructions sont indépendants, ils n’ont pas à rendre des comptes", martèle-ton à la Chancellerie, chiffres à l’appui : on est passé de 40.000 à 5.000 affaires signalées par les parquets au ministère, affirme ainsi une conseillère. En fait, seuls les dossiers sensibles remontent jusqu’à la garde des Sceaux. Et visiblement, la mise sur écoute d’un ancien président ne fait pas partie de cette catégorie.
La contre-offensive de la droite. Pour riposter à cette embarrassante affaire, la droite parle de complot, d’instrumentalisation politique de la justice. L’opposition obéit ainsi à un réflexe politique devenu banal à droite comme à gauche, selon les majorités : alimenter la suspicion sur une justice aux ordres. Lundi matin, des amis de Nicolas Sarkozy devraient ainsi largement s’épancher, dénonçant des pratiques dignes de l’Allemagne de l’est ou affirmant ne pas croire au hasard. Une contre- offensive qui doit aussi servir à remobiliser des troupes un peu sonnées. Le tout à moins de deux semaines du premier tour des municipales.
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