L'INFO. Elle n'a pas tout à fait la quarantaine. Elle est brune, cheveux mi-long, francilienne, écologiste, spécialiste des questions de logement et de plus en plus influente au sein d'Europe écologie-Les Verts. Non, il ne s'agit de Cécile Duflot mais d'Emmanuelle Cosse, la nouvelle patronne d'EELV. Au terme d'une année chaotique en interne comme en externe, les écologistes ont choisi leur nouvelle direction, samedi, lors d'un congrès à Caen. Soutenue par tous les cadres du parti, dont son amie ministre du Logement, cette "Duflot qui ne dit pas son nom", comme la surnomment ses détracteurs, a été élue secrétaire nationale avec 55,35% des voix.
.@emmacosse nouvelle secrétaire nationale d'#EELV avec une belle équipe... "jamais taire notre radicalité jamais fuir nos responsabilités"— Cécile Duflot (@CecileDuflot) 30 Novembre 2013
Le message : être un partenaire exigent. "Notre cohérence, c'est de ne jamais taire notre radicalité, mais de ne pas fuir nos responsabilités", a déclaré la nouvelle secrétaire nationale au terme d'une journée où les écologistes ont renoué avec leurs démons de la division interne. "Je dit aux socialistes que nous savons être des partenaires loyaux et acteurs de la majorité mais nous serons toujours exigeants avec ses réalisations et ses réalités", a-t-elle prévenu dans son discours. Et d'asséner : "je le dis clairement aux socialistes, la loi de transition énergétique ne pourra pas être reniée".
>> Qui est vraiment Emmanuelle Cosse ? Europe1.fr dresse le portrait du nouveau visage d'EELV.
Son parcours : le militantisme hors de la politique. Alors que Cécile Duflot (38 ans) est entrée chez les Verts il y a 12 ans, Emmanuelle Cosse (39 ans) n'a pris racine chez EELV qu'il y a 3 ans. Mais la nouvelle patronne des écologistes en est tout de même à plus de 20 ans de militantisme. Fille d’un couple de kinés parisiens marxistes, elle prend sa carte à la Fidl, le "syndicat" lycéen, au début des années 90. Elle la quittera toutefois rapidement, "agacée par la mainmise d’Harlem Désir et Julien Dray sur le mouvement lycéen", écrit Libération. En 1992, elle rejoint Act Up, association de lutte contre le sida, où "elle a fait un parcours parfait", indique Didier Lestrade, cofondateur de l’association, cité par le quotidien. Elle s'y illustre notamment en orchestrant l'une des manifestations les plus célèbres de l'association : recouvrir l’obélisque de la Concorde d’un préservatif géant.
Et en 1999, Emmanuelle Cosse en devient la première présidente hétérosexuelle et séronégative, et le restera jusqu'en 2001. Elle sera également rédactrice en chef de la revue antilibérale Regards et journaliste au magasine homosexuel Tétu, avant d'être approché par EELV. En 2010, elle est ainsi élue au Conseil régional d'Île-de-France, et rapidement nommée vice-présidente en charge du Logement, grâce à une certaine Cécile Duflot, qui vient de la prendre sous son aile. Son rapprochement et son intégration au sein du parti ne sont pas non plus étrangers au fait qu'Emmanuelle Cosse est la compagne, depuis le 26 mars 2010, de Denis Baupin, le vice-président EELV de l'Assemblée nationale.
Sa ligne : le grand écart. Emmanuelle Cosse veut rassembler toutes les lignes d'EELV, divisé par de multiples querelles internes. Ce qui l'oblige parfois à faire le grand écart. "Nous pouvons participer à une majorité gouvernementale tout en clamant haut et fort ce qui cloche chez elle", résume-t-elle elle-même dans un message envoyé récemment aux militants. Quant à son engagement à EELV, elle le conçoit comme une continuité. "C'est la même logique qu'à Act Up. On est là pour obtenir des victoires", explique-t-elle au Monde. Mais elle reconnaît, toutefois : "la forme d'un parti est moins évidente, on a moins de liberté et il faut accepter la logique majoritaire".
Ses atouts : "poigne", "communication" et "analyse politique". Avec un parcours ancré à gauche, dans la "société civile", ainsi qu'une proximité assumée avec Cécile Duflot (une photo des deux amies trône même dans le bureau d'Emmanuelle Cosse) la nouvelle tête d'EELV est susceptible de réunir une majorité du parti. Mais ce ne sont pas ses seuls atouts. "Elle est très forte en matière de communication. Quand elle est entrée à Têtu comme journaliste politique, c’était toujours elle qui allait représenter le magazine à la télé", raconte Didier Lestrade dans Libé. "Son analyse politique, son caractère, sa capacité à faire travailler les gens : elle fait l'affaire", estime également Jean-Vincent Placé, le patron des sénateurs écologistes, cité par Le Monde. Elle "a de la poigne" et "est suffisamment proche de Duflot pour garantir le fait que le parti soit tenu", poursuit Martine Billard, ex-EELV devenue coprésidente du Parti de gauche.
Son défaut : sa proximité avec "le système". Emmanuelle Cosse reste tout de même loin de faire l'unanimité. Autoritaire pour certains de ses détracteurs au sein du parti, opportuniste pour d'autres, elle est surtout jugée, par la gauche du parti, trop proche des dirigeants actuels et de Cécile Duflot. "Elle fera illusion mais on verra très vite à qui on a affaire : elle est totalement intégrée au système et fera tout ce qu'on lui demande", tranche le député des Français de l'étranger Sergio Coronado, interrogé par Le Monde. Didier Lestrade, lui, l'accuse d'avoir renié son parcours associatif pour les magouilles d'un parti politique. "Elle mérite de subir les actions coup de poing qu'elle faisait quand elle était à Act Up", assène-t-il dans le quotidien du soir.