Pas de répit pour les partis. Alors que la bataille présidentielle vient de s’achever, celle des législatives commence. Les 10 et 17 juin prochains, lors d’un scrutin volontiers qualifié de "troisième tour", le Parti socialiste tentera de surfer sur la dynamique de la victoire de François Hollande, mais devra faire avec ses partenaires. A droite, l’UMP, qui dit croire à la victoire, va tenter de rester unie face à la pression du Front national, à l’affût d’une implosion du parti actuellement majoritaire.
Les écologistes modestes ?
Au Parti socialiste, le même refrain a été entonné encore et encore dimanche soir. "Il faut tout simplement donner au président de la République la majorité dont il a besoin pour mettre en oeuvre son projet", a résumé Michel Sapin, responsable du projet présidentiel de François Hollande, sur Canal+. Pierre Moscovici, directeur de campagne du candidat socialiste, a appelé les Français à donner une "majorité claire, nette, forte à François Hollande".
Pour ce faire, il faudra pour le PS composer avec ses alliés. En raison du très faible score d’Eva Joly au premier tour (2,31%), les écologistes la joueront probablement modeste. François Hollande a laissé entendre à plusieurs reprises que l’accord conclu entre le PS et EELV ne le satisfaisait pas tout à fait, notamment sur le nucléaire, et les ambitions du parti écologiste pourraient être revues à la baisse. Certaines circonscriptions, dont celle que brigue Cécile Duflot à Paris, seront, ou sont déjà, l’objet de tensions.
Mais tout devrait théoriquement être fait pour qu’Europe Ecologie-Les verts dispose dans la prochaine Assemblée d’au moins 15 députés, chiffre plancher pour la constitution d’un groupe parlementaire.
La problématique du Front de gauche
Plus compliquée encore s’annonce la relation avec le Front de gauche. Fort du bon score de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle (11,10%), l’alliance située à la gauche de la gauche n’entend pas brader son ralliement. L’ex-candidat lui-même a affirmé à plusieurs reprises qu’il y aurait un candidat FG dans toutes les circonscriptions, et qu’un accord électoral avec le PS n’était pas à l’ordre du jour.
Sauf que le Parti communiste, composante importante du Front de gauche, ne dirait pas non à une participation gouvernementale. En outre, le PCF possède 13 députés dans l’Assemblée sortante, et veut faire gonfler ce chiffre. Pour ce faire, la bienveillance du Parti socialiste est indispensable. Des tensions pourraient donc apparaître au sein même du mouvement sur la stratégie à suivre. Et la situation personnelle de Jean-Luc Mélenchon, qui ne sait pas encore où se présenter, ajoute encore du flou à l’affaire.
Une chose est sûre : à trop vouloir contenter ses alliés, le Parti socialiste risque de ne pas pouvoir bénéficier seul d’une majorité absolue. Contrairement à 1981.
L’UMP veut conserver son unité
Dès dimanche soir, les ténors de l’UMP avaient les yeux braqués vers le "troisième tour". Avec un letimotiv, martelé à toutes les sauces : la menace d’un Etat tout socialiste. La gauche contrôle en effet le Sénat, la majorité des départements et des grandes villes, et la quasi-totalité des régions. "Ce serait un danger terrible si la gauche et le Parti socialiste avaient tous les pouvoirs politiques en France", a ainsi déclaré Xavier Bertrand sur France 2. "Je demande aux Français un vote d'équilibre des pouvoirs", a appelé le ministre du Travail.
Mais ce qui guette l’UMP, c’est bien le risque d’une implosion. D’abord parce que le parti risque de se déchirer sur la stratégie à adopter vis-à-vis du Front national. Au plan local, des candidats, notamment issus de la Droite populaire, l’aile dure de l’UMP, pourrait être tentés par une alliance avec le FN. Au plan national, une guerre des chefs pourraient poindre, entre Jean-François Copé, actuel secrétaire général, François Fillon, futur ex-Premier ministre, et Alain Juppé, futur ex-ministre des Affaires étrangères. A ce titre, le bureau politique extraordinaire, réuni dès lundi, peut déjà être décisif.
Alors les appels préventifs se sont multipliés dès dimanche soir. "L'UMP doit devenir une grande force d'opposition républicaine et unie", a déclaré sur Europe 1 l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, insistant : "Il faut garder cette unité à l'UMP". Même tonalité chez Jean-François Copé. "Il nous faut être rassemblé pour les législatives… et au-delà", a déclaré le patron de l’UMP à la Mutualité. A voir.
Le FN en appelle aux électeurs de l’UMP
Le Front national, lui, est à l’affût. Il donnerait bien à l’UMP le rôle de l’arroseur arrosé. Alors que Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse d’appeler les (nombreux) électeurs de Marine Le Pen (17,9%) à le rejoindre lors du second tour de l’élection présidentielle, le parti frontiste, qui se lancera sous la bannière "Rassemblement bleu marine", lui rend désormais la monnaie de sa pièce. "Nous appelons les électeurs qui ont voté Nicolas Sarkozy à rejoindre le ‘Rassemblement bleu marine’, en tout cas dans les urnes, pour qu'il y ait à l'Assemblée un groupe parlementaire Front national qui permette de défendre les idéaux patriotiques", a ainsi lâché Louis Aliot, numéro 2 du FN, sur France info lundi matin.
Mais le Front national voit en fait plus loin. "L'UMP ne peut pas rassembler, elle ne peut pas être en tête de cette opposition aux socialistes et aux communistes, elle est le parti de l'échec, elle est le parti qui a mis la France dans l'état où elle est aujourd'hui", a attaqué Louis Aliot. "Il est urgent de procéder à une recomposition de la droite et, dans cette recomposition, Marine Le Pen est la mieux placée", a-t-il conclu. Dans ces élections législatives, les intentions du FN sont donc limpides.