"Aucun débat n’est à écarter", "il n’y a pas de tabous au FN"… Depuis quelques mois, des cadres du Front national laissent s’instiller l’idée que le parti créé en 1972 par Jean-Marie Le Pen pourrait être rebaptisé au moment du prochain congrès du mouvement, en octobre 2014. Dans son journal de bord hebdomadaire, diffusé sur Internet, Jean-Marie Le Pen a, lui, écarté l’hypothèse avec force.
"Débile, scandaleux, indécent". On ne touchera pas à son "bébé" comme ça. Le président d’honneur du FN, 85 ans, a défendu avec la vigueur d’un jeune premier le nom de baptême de son mouvement. "Je dirais que c'est complètement débile, c'est scandaleux, c'est indécent. Le changement de nom du FN est impensable", a-t-il tranché, avant d’expliquer sa position : "ce nom a été honoré, il a créé une condition d'existence d'un parti politique français depuis 40 ans, et il a été soutenu par des milliers, des centaines de milliers de sacrifices de militants et adhérents du FN". Or, pour le leader historique du parti d’extrême-droite, ces militants "ne toléreraient pas que je ne sais qui ou je ne sais quoi veuillent changer dans je ne sais d'ailleurs quelle intention plus ou moins honnête le nom d'un mouvement qui est très honorable, le Front national".
"L’important, c’est de dédiaboliser l’étiquette du Front National". Si Jean-Marie Le Pen feint de s‘interroger sur les raisons qui pourraient pousser à un changement de nom du FN, le vice-président du parti, Louis Aliot, lui a en offert une, le 2 décembre dernier, sur Sud radio: "l’important, c’est de dédiaboliser l’étiquette du Front national qui est diabolisée en permanence par le système politique."
Le lancement du Rassemblement Bleu Marine pour les dernières élections législatives, qui permet à des candidats non encartés au FN de s’allier au parti d’extrême-droite sans le rejoindre pour autant, était une première étape. Et le compagnon de Marine Le Pen en tire une conclusion quant à la possibilité de changer de nom : "nous sommes en élections, nous avons un congrès en octobre 2014, les adhérents du Front National discuteront de toutes ces choses-là si l’ordre du jour le prévoit. […] Aucun débat n’est à écarter, on est un mouvement démocratique".
Marine Le Pen elle-même n’est pas totalement fermée à cette hypothèse. "Il n'y a pas de tabou au FN", a-t-elle affirmé sur France 5 à ce sujet, mi-décembre. "Si un jour ce débat devait être ouvert, il serait ouvert auprès des adhérents pour savoir ce qu'ils en pensent", a-t-elle précisé, avant de se dire elle-même "assez attachée au nom FN", ce qui devrait rassurer son père. "La réalité, c'est que s'il s'avérait un jour que le changement de nom soit utile, c'est qu'il correspondrait à une réalité politique qui est l'élargissement des bases du FN", a expliqué Marine Le Pen. Florian Philippot, considéré comme sa tête pensante, ne disait pas autre chose sur Europe 1, en juin dernier : "le débat n'est pas tabou, ça pourrait être ouvert un jour, il ne l'est pas encore. On verra bien".
Qu’en pensent les militants ? A écouter les différents cadres du FN, seuls les militants pourront trancher cette question. Pour l’heure, il n’existe pas de sondage (public) sur ce sujet. Mais dans un billet de blog, un journaliste du Monde les avait interrogés au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. Nelly, une ex-secrétaire aujourd'hui retraitée, était catégorique : "moi, j'aimerais vraiment qu'on change de nom. Parce que Marine est très différente de son père". Florence, une nouvelle venue au FN, était sur la même ligne : "c'est évident qu'il faut changer. Tous les autres partis l'ont fait un jour." François, militant "depuis 1954", était résolument "contre. Je pense qu'il n'y a aucune raison de changer de drapeau pour faire plaisir à l'adversité. Il faut persévérer et ne pas céder sur ce qu'ils nous reprochent". Rendez-vous est pris pour le congrès d’octobre 2014.
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