Le torchon brûle entre Jean-Marie Le Pen et sa dernière fille. Mais une fois la fumée dissipée, celle-ci pourrait très bien tirer les marrons du feu. Marine Le Pen peut-elle tirer profit de cette "crise ouverte", comme elle l'a qualifiée elle-même, qui a suivi l'entretien au vitriol de son père à Rivarol ? A gauche comme à droite, certains pointent le bénéfice qu'en tirerait la présidente du FN, toute à son opération de "dédiabolisation".
"Brun bonnet et bonnet brun". "On se demande à quel niveau c'est pas un dernier cadeau de Jean-Marie Le Pen à sa fille", s'est ainsi interrogé Eric Coquerel, le secrétaire national du Parti de gauche, jeudi sur Sud Radio. "Bien évidemment, ça lui profite, il suffit d'entendre les médias depuis hier qui laissent penser que sa réaction vis-à-vis de Jean-Marie Le Pen marque une rupture au FN". Pour le député UMP Guillaume Larrivé, "tout cela, c'est brun bonnet et bonnet brun". "Ils sont en train de jouer une version trash de Dallas", a raillé l'élu de l'Yonne sur RCJ.
De là à dire que le scénario était écrit d'avance… Juliette Méadel, porte-parole du Parti socialiste, parle sur lopinion.fr de "vaudeville grotesque". Et pour le député PS Christophe Castaner, "cette mise en scène n’est rien de plus qu'un jeu de rôles entre une fille et son père pour tenter de dédiaboliser le Front national".
"Le beau rôle" pour Marine Le Pen. Une hypothèse démentie par le politologue Olivier Duhamel sur Europe 1. "Ce n'est pas une répartition des rôles organisée", affirme-t-il. Ce qui ne veut pas dire que Marine Le Pen ne saurait en tirer profit. "Je pense que, quelque part, elle est consternée, mais que cela l'arrange profondément d'autre part", explique-t-il. "Cela la met elle dans le beau rôle. Elle, est irréprochable. Elle, n'est pas raciste. Elle, n'est pas antisémite. Elle est vraiment propre sur elle".
Chez les cadres frontistes, certains ne sont d'ailleurs pas loin de se féliciter de ce psychodrame. "Cette crise peut être positive parce que le FN sera demain plus apte à livrer la bataille", a assuré Florian Philippot sur BFMTV. Le bras droite de Marine Le Pen, qui entretient des relations glaciales avec le patriarche, est même allé jusqu'à déclarer qu'il serait "préférable" que Jean-Marie Le Pen démissionne du parti. Même son de cloche chez Robert Ménard, élu maire de Béziers avec le soutien frontiste, pour qui cet épisode peut être "une chance pour le FN".
Les électeurs réticents. Cette chance, ce serait de rompre définitivement avec les vieux démons qui planent toujours sur l'histoire du FN. Et qui empêcheraient un certain nombre d'électeurs de franchir le pas. Interrogé par les auditeurs d'Europe 1 dans Europe Midi, le politologue Pascal Perrineau estime que Marine Le Pen a peut-être tiré des leçons des élections départementales. Si le FN était présent dans 1.100 cantons au second tour, il ne l'a emporté que dans 27 d'entre eux, et a échoué à conquérir un conseil départemental. "Comme si ce Front national continuait à faire peur quand il se rapproche du pouvoir", commente Pascal Perrineau.
A ce titre, l'épisode Rivarol apparaissait comme l'occasion rêvée pour Marine Le Pen d'afficher sa différence, une bonne fois pour toutes. Au point de s'opposer publiquement à la candidature de son père aux élections régionales. Toutefois, avertit Pascal Perrineau, la présidente du FN n'a pas forcément tout à gagner. "Certes, dans l'électorat, ça devrait à terme rendre service à Marine Le Pen. Mais dans l'immédiat, ça va créer des turbulences dans un appareil qui, pendant 40 ans, a été dirigé par Jean-Marie Le Pen", explique-t-il. Au FN, l'ombre de la désastreuse scission Le Pen/Mégret de 1998 reste dans toutes les têtes.
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