Par son silence, l’ancien ministre de l’Education se rendrait-il lui-même coupable de "non-dénonciation d'un crime" ? C'est ce qu'affirment certains membres de la classe politique après les propos tenus lundi soir, sur le plateau de Canal +, par Luc Ferry. Ce dernier y a accusé un ancien ministre d'avoir eu des relations pédophiles au Maroc. L’ex-ministre de l’Education nationale a affirmé avoir eu "des témoignages" à ce sujet de la part "des autorités de l'Etat au plus haut niveau", à commencer par un Premier ministre. Mais il s’est refusé à donner un nom.
Des accusations sans aucune précision qui secouent déjà la sphère politique. "Quand il y a des faits avérés c'est une faute de ne pas les révéler mais le droit d'informer, ce n'est pas le droit de calomnier", a asséné Alain Juppé mercredi sur France Culture. "Si M. Luc Ferry a la preuve qu'il y a eu un comportement délictueux ou criminel (...), qu’il saisisse la justice", a encore plaidé le ministre des Affaires étrangères. "Si on a la conviction qu'il y a eu un délit, voire un crime, on saisit la justice et on ne va pas simplement bavasser dans la presse", s’est-il agacé.
"Ce que dit M. Ferry est vraiment surprenant, parce que soit il est détenteur favorisé d'informations qui s'appuient sur des faits, et dans ce cas il a le devoir de saisir la justice, soit il rapporte des propos qu'il a entendus dans les couloirs et, dans ce cas-là, il n'est plus le philosophe de la rumeur mais il en devient un acteur essentiel", a aussi jugé François Baroin en rendant compte des travaux du Conseil des ministres.
"La non-dénonciation d'un crime"
Pour Rachida Dati, le coupable, c’est Luc Ferry. "Ce qu'il dit, c'est la non-dénonciation d'un crime", a tranché l’ancienne ministre de la Justice mercredi sur RMC et BFM-TV. « La pédophilie est un crime donc (si) il sait des choses (...), il doit dénoncer les faits et indiquer de qui il s'agit, de quels faits il s'agit", a-t-elle fait valoir.
A son tour, Dominique Paillé, vice-président du Parti radical a réclamé des explications. "On ne peut pas laisser des mots comme cela lancés à la cantonade, des accusations aussi graves, même si elles sont sous couvert d'anonymat", a estimé l’ancien porte-parole de l'UMP. "Si les faits sont avérés, Luc Ferry le dit et il prend ses responsabilités, la responsabilité d'ailleurs d'être traduit en justice par l'intéressé potentiel", a-t-il résumé.
Une plainte déposée au Maroc
De son côté, l'association marocaine Touche pas à mon enfant a annoncé mardi qu'elle porterait plainte contre X. "Un responsable politique qui abuse de nos enfants, c'est inacceptable. Nous allons porter plainte contre X. Une enquête doit être ouverte pour faire la lumière sur cette affaire", a ainsi confié à Rue89 la présidente de l'association, Najat Anwar.
Avant même les critiques, le principal intéressé avait déjà expliqué les raisons de son silence. "Si je sors le nom maintenant, c'est moi qui serai mis en examen et à coup sûr condamné, même si je sais que l'histoire est vraie". Interrogé sur les preuves dont il disposait sur cette affaire, Luc Ferry avait répondu "qu'évidemment", il n'en disposait pas.
En l’absence de preuve, rien ne l’oblige à dénoncer les faits, selon la loi. Aussi, on ne sait rien de ce crime présumé, à commencer par la date, qui permettrait de savoir si les faits sont prescrits ou non.