Fillon et le FN, une opposition à géométrie variable

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Fabienne Cosnay , modifié à
ARCHIVES - Le discours de l’ancien Premier ministre n’a cessé d’évoluer depuis 2011. 

La phrase qui fait polémique. "J'ai dit à mes amis à plusieurs reprises 'Votez pour le moins sectaire'. Invité dimanche du "Grand Rendez-vous" Europe 1-Le Monde-i>Télé, François Fillon a livré une stratégie inédite pour les élections municipales de 2014, en cas de second tour entre un candidat FN et un candidat PS. Alors qu’on lui demande si "un socialiste peut être plus sectaire qu’un Front national ?", le candidat à la primaire UMP pour 2016 répond, sans tergiverser : "Cela peut arriver, je ne dis pas que c'est toujours le cas, mais ça peut arriver".

Le PS indigné, Copé joue l'étonné. En conseillant de "voter pour le moins sectaire", François Fillon s'est attiré les foudres de la majorité socialiste. "A laisser entendre qu'il y aurait une équivalence entre le Front national, qui est un parti xénophobe, qui assume des valeurs qui sont souvent anti-républicaines, et le Parti socialiste, je pense que M. Fillon dérape", a jugé le ministre de l'Education Vincent Peillon, lundi matin. "Il est indigne d’un ancien Premier ministre de créer un désistement antirépublicain inédit en faveur d’une force d’extrême droite par pur cynisme électoral", a fustigé dimanche le premier secrétaire du PS Harlem Désir dans un communiqué. "Aucun dirigeant de l'UMP n'a condamné les propos de Fillon. Les républicains ne devraient pas se taire face à une telle ouverture au FN", insiste le patron de Solférino, lundi, dans un tweet. 

Sur son compte Twitter, la sénatrice PS de l'Oise Laurence Rossignol ironise sur le conseil de vote donné par l'ancien Premier ministre. "Cherche candidats FN gentils, ouverts et arrangeants (pas comme ces affreux PS) pour accord de 2d tour et + si affinités. F.Fillon #UMPerdue, écrit-elle.

Même le président de l'UMP Jean-François Copé a clairement pris ses distances, dimanche soir, avec la déclaration de François Fillon, balayant la position de son ancien rival François Fillon d'un "Je ne connais pas cette formule" et rappelant que la doctrine arrêtée par l'UMP était celle du "ni-ni". "Nous avons défini une ligne politique tous ensemble : nous ne ferons aucune alliance avec le FN et nous ne voterons ni pour le FN ni pour le candidat socialiste qui est allié avec l’extrême-gauche", a souligné le président de l'UMP.

>>> Depuis 2011, François Fillon entretient un certain flou

ACTE 1 : Fillon s'oppose à Copé et Sarkozy partisans du "ni-ni"

21 mars 2011. Au lendemain du premier tour des élections cantonales de mars 2011, le Front national est en capacité de se maintenir dans quelque 400 cantons. Face à cette poussée du parti d'extrême droite, Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé élaborent la stratégie du "ni-ni", ni alliance avec le FN, ni front républicain. François Fillon, alors Premier ministre, n'hésite pas à prendre le contrepied de la ligne officielle défendue par l'UMP, prônant une position plus ferme vis-à-vis du parti d'extrême droite.

"Là où il y a un duel entre le Parti socialiste et le Front national, nous devons d'abord rappeler nos valeurs et nos valeurs ne sont pas celles du Front national. Nous devons appeler nos électeurs à faire le choix de la responsabilité dans la gestion des affaires locales. Tout cela conduit à voter contre le Front national au second tour des cantonales", explique alors François Fillon, lors d'une réunion de la majorité à l'Assemblée.

ACTE 2 : Fillon s'en sort par une pirouette sur le "ni-ni"

26 octobre 2012. Les deux rivaux à la présidence de l'UMP Jean-François Copé et François Fillon débattent sans vraiment de conviction d'ailleurs, dans l'émission Des paroles et des actes. Alors qu'on l'interroge sur la stratégie du ni-ni, l'ancien Premier ministre, visiblement mal à l'aise, fait une réponse pour le moins alambiquée. "Jamais je ne voterai pour le FN et jamais je n'appellerai à voter pour ce parti", commence t-il par expliquer. "Mais je n'ai jamais voté à gauche parce que je pense que la gauche nous emmène dans le mur sur le plan économique", enchaîne François Fillon. "Vous êtes d'accord avec la stratégie du ni-ni" lui demande alors David Pujadas. François Fillon répond par une pirouette : "Je ne mets pas le PS et le FN sur le même plan".

ACTE 3 : Le FN pour se démarquer de Sarkozy

8 mai 2013. La question du FN est une nouvelle fois évoquée directement par François Fillon dans le cadre d'un documentaire diffusé sur France 3. L'ancien Premier ministre évoque alors une "différence d'approche irréconciliable" avec l'ancien chef de l'Etat concernant l'attitude à adopter vis-à-vis du Front national. "Nicolas Sarkozy pense que le FN est à combattre parce qu'il affaiblit la droite. Moi, je pense qu'il est à combattre parce qu'il est en dehors des limites du pacte républicain", explique alors François Fillon, se démarquant de la fameuse ligne Buisson du nom de ce conseiller de Nicolas Sarkozy issu de l'extrême droite, qui a été le principal inspirateur de la droitisation de la campagne de 2012 de Nicolas Sarkozy.

Les proches de Fillon déminent. Stratégie de droitisation ou simple maladresse ? Interrogé par Europe 1, des proches du député UMP de Paris plaident "la maladresse" tout en reconnaissant un "manque de clarté". Certains assurent même que l'ancien Premier ministre a voulu "faire du second degré" mais "qu'il n'a pas été compris". Pour son entourage, François Fillon est "clair dans sa tête". "Le plus sectaire, c'est évidemment le FN et jamais il n'appellera à voter pour l'extrême droite mais il veut aussi montrer qu'on ne peut pas voter pour n'importe quel socialiste", décryptent ses proches. Pour rectifier le tir, François Fillon va devoir clarifier sa position dans les prochains jours.