Nicolas Sarkozy et la fonction publique, ce n'est pas une longue histoire d'amour, loin de là. L'ancien président, chantre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux lors de son quinquennat, est revenu à la charge jeudi. "Le temps de travail dans la fonction publique est une question qui ne peut plus être éludée", a-t-il lancé lors de son meeting à Lambersart. Pour lui, "il faudra travailler davantage". Le candidat à la présidence de l'UMP veut également réduire le nombre de fonctionnaires, mais aussi s'attaquer à leur statut.
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Dans la salle remplie de militants UMP, la thématique a fait mouche : l'assistance a chaleureusement applaudi ces déclarations. Mais si Nicolas Sarkozy compte à nouveau faire de la fonction publique un cheval de bataille, il sera certainement handicapé par son bilan en la matière.
Les résultats en demi-teinte de la RGPP
En 2007, c'est sur un programme offensif vis-à-vis de la fonction publique qu'il s'était fait élire, promettant le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Au début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait lancé la "révision générale des politiques publiques" (RGPP), une réforme visant à faire baisser les dépenses de l'Etat, tout en améliorant l'efficacité du service public.
Arrivée au pouvoir, la gauche a mis fin à la RGPP, remplacée par la "modernisation de l'action publique" (MAP) en 2012. La même année, un rapport remis par trois inspections générales (finances, administration et affaires sociales) en dressait un sévère bilan. "Communication lénifiante", "mesures imposées sans dialogue", examinées par des "comités restreints" : les auteurs ont surtout épinglé la manière dont a été menée la réforme. Mais sur le fond, ils pointent aussi des lacunes, notamment sur le périmètre de la réduction des effectifs.
300.000 fonctionnaires de plus sous le quinquennat Sarkozy
Car, si la RGPP a entraîné la suppression de quelque 150.000 postes de 2007 à 2012, "le nombre total de fonctionnaires a continué à augmenter pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy", assure à Europe 1 Agnès Verdier-Molinié, directrice de l'iFRAP, un think tank libéral qui analyse les politiques publiques. L'explication : la RGPP a concerné seulement les effectifs de l'Etat, et pas ceux des deux autres grands domaines du service public que sont l'administration hospitalière et les collectivités territoriales. Résultat : fin 2012, il y avait au global 300.000 fonctionnaires de plus qu'en 2007, selon l'Insee. N'en déplaise à Nicolas Sarkozy, qui a assuré jeudi avoir réduit leur nombre lors de son quinquennat.
ll faudra travailler davantage, le nombre de fonctionnaires devra être réduit comme nous l’avons fait durant le dernier quinquennat— Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) September 25, 2014
S'attaquer au "statut à vie"
Promettre de réduire les dépenses en réformant la fonction publique s'annonce donc compliqué pour Nicolas Sarkozy, au vu de son bilan. "On ne peut pas se contenter de slogans sans chiffres ni objectifs clairs", assène Agnès Verdier-Molinié. En plus de la question des effectifs, l'ancien président a pourtant mis deux autres fers au feu jeudi, en évoquant le temps de travail des fonctionnaires et en réclamant que "les recrutements dans la fonction publique ne soient pas tous soumis à la règle du statut à vie". Une piste serait de renforcer le nombre des contractuels, qui ne sont pas concernés par ce statut garantissant la sécurité de l'emploi. Sur les 5,5 millions de fonctionnaires, ces contractuels sont actuellement 900.000. Un chiffre resté stable ces dernières années, selon l'iFRAP.
Du côté des syndicats de fonctionnaires, on redoute à nouveau la stigmatisation. "L'intervention de Nicolas Sarkozy n'est pas une surprise, mais elle risque d'alimenter la vieille opposition public contre privé", relève Christian Grollier, secrétaire général de FO Fonctionnaires, joint par Europe 1. "Je ne pense pas que les Français attendent de Nicolas Sarkozy qu'il tape sur la fonction publique. Leur préoccupation ne porte pas sur des suppressions de postes, mais au contraire sur l'emploi".
Invité vendredi de Wendy Bouchard sur Europe 1, Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, a pour sa part mis en garde contre le "fantasme du 'trop de fonctionnaires'". "Il y a forcément des choses à améliorer sur le rapport aux usagers", a-t-elle concédé. Mais "diminuer les effectifs de fonctionnaires, ça veut dire moins de service public rendu aux usagers, et on n'en a pas vu les effets sur l'économie, puisque cela n'a pas réduit la dette, ni les déficits. Ce n'est donc pas la bonne recette".
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