Lors des municipales de mars 2014, Hénin-Beaumont sera une nouvelle fois scrutée avec attention par les observateurs. Pourtant, avant 2007, cette commune du Pas-de-Calais et ses 26.000 habitants n’intéressaient pas grand-monde, comme nombre de villes de tailles semblables. Mais depuis maintenant sept ans, la donne a changé. Hénin-Beaumont, où s'arrête mardi le train Europe 1 des municipales, est désormais une place incontournable de la scène politique française. Et cela est dû en grande partie à la volonté d’une femme : Marine Le Pen. La présidente du FN, qui ne l’était pas encore, a en effet décidé de faire en 2007 de la cité minière son fief, sa base électorale. Depuis, le FN n'a cessé de progresser, le Parti socialiste s'est déchiré et Jean-Luc Mélenchon s'y est cassé les dents.. Attirant ainsi la lumière. Récit d’une montée en puissance en quatre actes.
Acte I : Marine Le Pen débarque. En 2007, Marine Le Pen n’est pas encore la présidente du FN qui caracole dans les sondages et une figure incontournable de la politique. La fille de Jean-Marie Le Pen, toujours président du parti frontiste, est en quête de légitimité et de notoriété pour, à moyen termes, prendre les rênes de la formation politique de son père. Elle jette alors son dévolu sur Hénin-Beaumont, en décidant de se présenter aux législatives de 2007 dans la 14e circonscription du Pas-de-Calais.
Et Marine Le Pen n’a évidemment pas choisi au hasard. Sur une terre essentiellement ouvrière, tenue par une gauche de plus en plus divisée depuis l’après-guerre et frappée par des rumeurs de corruption, la future présidente du FN sait que le terreau est propice à son parti. "Cette circonscription est symbolique : chômage, délocalisation, insécurité, elle regroupe les problèmes majeurs de la France", se justifie-telle alors pour répondre aux accusations de parachutage. En outre, Marine Le Pen peut compter sur l’implantation locale de Steeve Briois, conseiller municipal d’Hénin-Beaumont depuis 1995 et futur secrétaire général du FN, nommé par… Marine Le Pen. Cette dernière réalise de bons scores pour sa première : 24,47% au premier tour, ce qui fait d’elle la seule candidate de son parti à pouvoir se maintenir au second tour. Où elle obtient 41,65% des suffrages. Le début de l’ascension pour elle. Le début des projecteurs pour Hénin-Beaumont.
Acte II : deux municipales, une progression impressionnante. L’élection municipale de 2008 est une déception pour le Front national. Au premier tour, Steeve Briois, tête de liste, et sa numéro 2, Marine Le Pen, recueillent 28,48% des voix au premier tour et 28,83% au second tour. Comme toujours, c’est un socialiste, Gérard Dalongeville, maire sortant, qui est élu. Mais l’homme est finalement mis en examen pour "détournement de fonds publics" et son élection est annulée par le Conseil d’Etat. Une aubaine pour le FN, qui mise alors sur le "Tous pourris" pour gagner des voix. Et ça marche.
En juin et en juillet 2009, une nouvelle élection, partielle, et organisée. Cette fois, le Front national brille, puisque la liste conduite une nouvelle fois par Steeve Briois arrive en tête du premier tour avec 39,34% des voix. Le parti espère bien l’emporter, mais voit se constituer en face de lui un Front républicain. Plusieurs personnalités de droite, dont Hervé Morin, Valérie Pécresse ou encore Jean-François Copé, appellent à faire battre le FN. L’acteur et réalisateur Dany Boon, tout juste auréolé du succès de Bienvenu chez les Chtis, s’en mêle également. Le tout contribue à donner aux élections d’Hénin-Beaumont un écho national. Au deuxième tour, le FN est battu de justesse, avec 47,62% des voix face au divers gauche Daniel Duquenne. Seules 265 voix séparent au final les deux listes.
Acte III : Mélenchon s’en mêle. En 2012, Hénin-Beaumont est déjà devenue, grâce à Marine Le Pen, un lieu majeur de la politique en France. Les législatives de 2012 vont un peu plus asseoir cet état de fait. Comme cinq ans auparavant, Marine Le Pen est candidate à la députation. Mais cette fois, elle a face à lui Jean-Luc Mélenchon, qui a déclaré une guerre quasi-personnelle à la présidente du FN. C’est ainsi la première fois que deux candidat à la présidentielle se présentent et s’affrontent dans la même circonscription.
Inévitablement, le duel entre la représentante du Front national et celui du Front de gauche attire l’attention une nouvelle fois sur Hénin-Beaumont. D’autant que la campagne est tendue. L’affaire du faux tract de Jean-Luc Mélenchon, élaboré, notamment dans un arabe hasardeux, par des militants du FN, en sera le point culminant. Les noms d’oiseau volent - "hurluberlu d’extrême gauche" contre "semi-démente" -, mais au final, c’est… le Parti socialiste qui s’impose. Troisième du premier tour et profondément abattu, Jean-Luc Mélenchon s’est en effet désisté en faveur de Philippe Kemel. Celui-ci l’emporte finalement avec 50,11% des voix face à Marine Le Pen, soit… 118 voix d’avance.
Acte IV : la bonne pour le Front national ? Depuis 2007, le Front national ne cesse donc de progresser à Hénin-Beaumont. Du coup, la commune a logiquement été désignée comme l’un des principaux objectifs par le parti d’extrême droite en vue des municipales. Même si Steeve Briois ne pourra cette fois pas compter sur la présence de Marine Le Pen sur sa liste, les chances du secrétaire général du FN sont réelles. Et assurément, si le Front national l’emportait, on n’aurait pas fini de parler d’Hénin-Beaumont.
POLEMIQUE - Bisbilles entre le curé et Steeve Briois