Contexte. Les vœux de François Hollande en ont surpris plus d’un. En annonçant un "pacte de responsabilité" avec les entreprises, le chef de l’Etat a heurté une partie de la gauche. Après un début de quinquennat marqué par son impopularité record, et face à une situation économique inquiétante, François Hollande a visiblement décidé d’assumer ses convictions et de les exprimer haut et fort. Mais à écouter sa majorité, non, le président n’a pas changé de cap.
"Une sorte de tournant idéologique". "Il tourne, il assume une mutation. Ça ressemble à 1984 ou 2000, on est dans une logique sociale-libérale". Ces mots sortent pourtant de la bouche d’un ami (anonyme) du président, cités par le Journal du Dimanche. L'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho, virée du gouvernement et dont la parole est désormais totalement libre, s'étonne quant à elle que l'évolution du président vers une ligne "sociale-libérale" "ne soulève pas davantage de questions" au sein de la majorité. "Un mot a disparu, celui du changement. Il s'agit d'une sorte de tournant idéologique. Pour la première fois depuis le début du quinquennat, cette évolution est assumée", a constaté l’ancienne ministre dans le JDD.
"Hollande assume une nouvelle fois la politique de l'offre. Il concentre son action sur le chômage, sans dire un mot du pouvoir d'achat et de la justice sociale", a pour sa part regretté le député socialiste et fondateur de la Gauche populaire, Laurent Baumel, dans Le Figaro.
"Il n’y a pas de tournant politique". Si François Hollande a décidé de dire tout haut ce qu’il pensait tout bas, ses ministres, eux, sont chargés de faire l’exégèse de sa pensée. Et pas question de laisser entendre que le président a changé de cap. Le ministre délégué à la Ville François Lamy, un proche de Martine Aubry, a ainsi assuré, dimanche sur Radio J, que les vœux de François Hollande "ne sont un tournant social-libéral, c'est l'accélération d'un message et d'une politique".
Bernard Cazeneuve, proche du président, ne dit pas autre chose : "il ne s’agit pas d’un changement de cap, mais d’un approfondissement de notre politique", a assuré le ministre du Budget lors du Grand Jury RTL-CI-Le Figaro. Pas convaincu ? "Il n’y a pas de tournant politique", a martelé Benoit Hamon dans l’émission "Tous politiques", dimanche sur France Inter.
>> Virage libéral ou accélération de la politique menée ? Europe1.fr a sondé des politologues.
Madani Cheurfa, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), a un avis tranché sur la question. Pour lui, les socialistes au pouvoir "ont toujours été sociaux-libéraux. Seule la communication a changé".
Pierre Bréchon, politologue associé à Sciences Po Grenoble, est plus nuancé. "Changer de cap, ça ne se fait pas en trois phrases dans un discours, cela se voit seulement dans les faits", assure-t-il. "Social-libéral, le terme est vague : en gros, c’est refuser de remettre en cause les structures libérales, tout en voulant insérer du social dans la politique. C’est ce qui permet de dire que le PS est social-libéral depuis longtemps", tranche-t-il.
Jean-Marc Leblanc, spécialiste du discours politique, n’a, lui non plus, "pas trouvé de choses très innovantes" dans le discours du président. Mais en rentrant dans le détail des pistes proposées par François Hollande, il reconnaît qu’ "une chose [l]’a surpris : annoncer une baisse des charges sur le travail. Ça c’est un vrai tournant car ce n’est pas ce que l’on attend classiquement d’un président de gauche."
Un autre élément du discours du président a heurté des sensibilités à gauche : la réduction des dépenses "vaut pour l'Etat, mais aussi pour la Sécurité sociale, qui doit en terminer avec les excès et les abus", a asséné François Hollande. Jean-Marc Leblanc comprend que ce pan de l’exposé présidentiel ait pu en choquer certains dans la majorité car "l’année dernière, il avait parlé de solidarité à l’égard de ceux qui souffrent, ajoutant que ‘ce ne sont pas des assistés’. Il s’inscrivait alors en opposition frontale avec Nicolas Sarkozy. Cette année, il a annoncé vouloir être plus strict dans les dépenses sociales, notamment au niveau de la Sécu, et ça c’était inattendu."