François Hollande l’a suffisamment martelé pendant sa campagne : il veut être un président normal. Trancher avec le bling-bling de Nicolas, prendre le train, vivre dans son appartement, faire les course… le chef de l’Etat a multiplié les exemples ces dernières semaines. Mais en adoptant cette posture, le président français ne jure pas vraiment avec ses voisins européens.
En ces temps de crise, l’heure est en effet à la sobriété, en France comme ailleurs. Les dirigeants européens rivalisent d’actions pour créer un semblant de proximité avec le peuple. Angela Merkel, David Cameron, Mario Monti, Mariano Rajoy… Tous revendiquent un style tout en sobriété. Dernier exemple en date : le trajet en Thalys effectué mercredi par Mariano Rajoy et François Hollande pour rejoindre Bruxelles depuis Paris.
Merkel, chancelière normale
Normale, Angela Merkel n’est par nature. La chancelière n’a pas attendue les crises pour bousculer les codes, dès le début de son mandat en 2005. "On l’a beaucoup vu au supermarché faire ses course, en faisant la queue et en payant elle-même", raconte pour Europe 1.fr Evelyn Steibert, correspondante pour la radio publique SWR à Paris. "Et elle habite dans un tout petit appartement à Berlin, dans un immeuble très laid", relève la journaliste.
"Quand elle a été élue, elle partait bosser. Et elle jurait aussi avec son prédécesseur Gehrard Schröder, qui faisait petit roi. Les Allemands l’ont aussi choisi pour ça", assure Evelyn Steibert. "Et ce style tout en sobriété n’est pas forcé. Elle est vraiment comme ça", assure-t-elle.
François Hollande connaissait donc l’exemple à suivre. Comme Angela Merkel, le chef de l’Etat a annoncé son intention de continuer à habiter dans son appartement, situé dans le 15e arrondissement de Paris, et non à l’Elysée. Quelques jours avant le second tour, il annonçait son intention de continuer à faire ses courses. Ses proches, de son fils Thomas Hollande à son ami de 35 ans Jean-Pierre Jouyet, ont confirmé à Europe 1 cette appétence, peu banale pour un homme politique. Appétence immortalisée récemment par des photos, parus dans le magazine people Voici.
Monti, l’anti-Berlusconi
Le pendant méditerranéen d’Angela Merkel, c’est Mario Monti. En Italie, la page Silvio Berlusconi, ses villas luxueuses et ses soirées bunga-bunga, est en train d’être tournée. "Il y a un rejet du bling-bling, une envie très forte de changer la classe politique", confirme Alberto Mattioli, correspondant du quotidien la Stampa en France. "Et pour cela, on apprécie beaucoup la sobriété du nouveau président du conseil Mario Monti, qui n’est pas un politique professionnel. Contrairement à son prédécesseur, son style est irréprochable", juge le reporter.
Pour trancher avec Silvio Berlusconi, qui partageait son temps entre ses résidences de luxe, Mario Monti a ainsi choisi de s’installer au Palais Chigi à Rome, siège officiel du gouvernement. Et, peu adepte de la pompe et des cortèges de limousines, il a opté pour le train pour ses fréquents déplacements entre Rome et Milan. Là encore, le rapprochement avec François Hollande, qui a souvent répété sa préférence pour le train par rapport à l’avion, va de soi.
Mario Monti semble donc inattaquable sur ce plan-là. Un élu de La Ligue du Nord, parti d’extrême droite allié de Silvio Berlusconi, s’y est pourtant récemment essayé, en dénonçant la tenue d’une fête au Palais Chigi pour le dernier réveillon. Or, n’étaient présent que les fils et neveux du président du conseil, qui a eu beau jeu de brandir en plein Parlement le reçu des courses effectuées par sa femme. Puis, non sans ironie, il a admis "ne pouvoir exclure que le nombre relativement élevé de convives -dix-, ait pu entraîner pour l'administration du Palais Chigi des coûts légèrement supérieurs d'énergie électrique, gaz et eau".
Cameron a dû s’employer
Si Mario Monti n’a eu aucun mal à adopter ce style tout en retenue, la tâche a été plus difficile pour David Cameron. Mais indispensable. "Pour les gens du peuple, David Cameron est très critiquable, car il vient de la très haute société", explique Hugh Schofield, du bureau parisien de la BBC. Alors l’actuel Premier ministre, descendant du roi Guillaume IV, marié à une fille de baron, et qui a fait ses études au très chic collège d'Eton, a tout fait pour se rapprocher du "common people".
"Cela ne concerne pas que David Cameron", précise toutefois Hugh Schofield. "Tous les hommes politiques ont infléchi depuis plusieurs années leur manière de parler pour faire plus streets. Chacun d’entre eux supporte publiquement un club de football quelconque, alors qu’avant tout le monde s’en foutait", s’amuse le correspondant anglais. Les poings levés de David Cameron, entouré des autres dirigeants européens, le soir de la victoire de Chelsea en Ligue des Champions, est une illustration parfaite. "Cette image aurait pu être manufacturé par des communicants, tant elle était parfaite", sourit Hugh Schofield.
Cet amour du foot, François Hollande l’a lui aussi mis en avant pendant la campagne. Joueur dans son enfance, et occasionnellement pour des associations, le chef de l’Etat est un fan du ballon rond. "Plus OM que PSG", a-t-il souvent précisé, au risque de fâcher une partie de la population.
Autre point commun avec David Cameron : selon les informations d’Europe 1, le Premier ministre emprunte systématiquement l’Eurostar pour se rendre aux sommets de Bruxelles. Seule petite anicroche à sa quête de normalité : il a délaissé le vélo qu’il empruntait quant il était chef de l’opposition pour lui préférer une rutilante Jaguar avec chauffeur. François Hollande y a également cédé, troquant son fidèle scooter pour la DS5.
Rajoy sous surveillance
En matière de sobriété, Mariano Rajoy n’a pas vraiment le choix. "Pour lui, il est plus important de ne pas faire de bêtises dans ce domaine", assure David Picazo, correspondant de la TVE en France. "Il essaye surtout d’éviter les exemples d’excentricité que de démontrer sa sobriété", assure le journaliste. Vu l’état catastrophique du pays, hors de question donc de sortir des clous. La polémique soulevée par le coûteux voyage du roi Juan Carlos en Ouganda a suffisamment montré la susceptibilité actuelle des Espagnols en la matière.
L’exemple scandinave
Mais les grands pays européens n’ont pas l’apanage en matière de sobriété de leurs dirigeants. Au contraire. Sans surprise, les pays scandinaves sont exemplaires en la matière. Le Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg aime ainsi se déplacer à pied dans les rues d'Oslo, notamment entre son bureau et le Parlement. Et la tuerie perpétrée par Anders Breivik en juillet n’a pas changé ses habitudes.
Quant au président finlandais Sauli Niinistö, s’il se déplace en Mercedes blindée, toujours accompagné d'un service de sécurité, il reste néanmoins aisé de l'approcher, par exemple à l'occasion d'un jogging. Enfin le Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt est décrit par ses amis comme un "père de famille normal", qui passe du temps avec ses trois enfants et ne rechigne pas à faire la cuisine quand c'est son tour.
Ce côté bon père de famille, François Hollande y tient également. Si, par pudeur, il expose peu sa famille, il laisse tout de même filtrer des informations. Ainsi de cette soirée passée avec ses quatre enfants réunis après sa victoire.