Et si la conférence de presse la moins regardée depuis le début du quinquennat avait été la meilleure ? Habituellement très prompte à exprimer sa déception après les interventions du chef de l'Etat, la presse a salué vendredi un François Hollande qui a enfin "endossé le costume de président". "Il a parfaitement incarné son rôle" affirme Le Parisien. Il est "enfin à l'aise dans la Ve République", selon Les Echos. Et Sud Ouest de saluer la conférence de presse "de loin la plus maîtrisée et la plus réussie" depuis 2012.
François Hollande ne serait-il plus fâché avec la communication ? L'homme aux cravates de travers, moqué sur les réseaux sociaux lorsqu'il porte une chapka ou prononce un discours sous la pluie, semble avoir quelque peu repris la main. Jeudi, le seul couac est venu d'une mouche qui n'a rien trouvé de mieux que de se poser sur le front du président… On a fait pire.
Porté par le contexte. "Oui, c'était peut-être la meilleure conférence de presse depuis le début du quinquennat", confie à Europe 1 Bernard Poignant, proche conseiller de François Hollande. Il est vrai que "l'esprit de janvier" si cher au président l'a incontestablement servi. "Il est toujours porté par ces évènements. L'enjeu, c'était de bien exercer le pouvoir à ce moment donné", explique Bernard Poignant.
Il n'empêche : au-delà du contexte, tout a été fait pour que cette conférence de presse soit millimétrée. Un exemple : le propos liminaire de François Hollande, qui d'habitude s'éternisait, a duré un quart d'heure montre en main. "Quand il faisait 45 minutes, il mélangeait le propos présidentiel avec du ministériel : il entrait trop dans le détail", observe Bernard Poignant. "Là, il était totalement présidentiel". Pour Philippe Moreau-Chevrolet, fondateur de l'agence de conseil MCBG, "cette conférence marque incontestablement un tournant. C'est enfin au niveau d'une communication présidentielle. Tout était maîtrisé".
Soigné jusqu'au moindre détail. Il faut dire que l'Elysée avait soigneusement pris les choses en main. D'abord en réduisant un peu le nombre d'invités : environ 300 journalistes ont été accrédités, contre 350 la dernière fois. L'ordre des questions était fixé à l'avance : l'international d'abord, les sujets nationaux ensuite. Tout comme les journalistes qui ont pu s'adresser au président. Il était donc inutile de lever la main pour obtenir le micro. La mise en scène a été soignée jusqu'au moindre détail. Peu avant l'arrivée du président, le réalisateur a même fait demander aux journalistes de retirer leur badge d'accréditation. Motif : "pas joli à l'écran"…
Les journalistes doivent enlever leur badge d'accréditation. "Pas joli à l'écran". #ConfPR#soyonsjolis— Matthieu Verrier (@MattVerrier) February 5, 2015
Le rôle de Gaspard Gantzer. Mais cette attention particulière portée à l'image présidentielle ne date pas de jeudi. Depuis plusieurs mois, la communication élyséenne évolue. Déplacements surprises sur le terrain, émissions en direct avec les Français, communication numérique agressive à coup de tweets, de Vine et d'infographies… Beaucoup voient dans cette évolution l'œuvre de Gaspard Gantzer, le jeune conseiller communication du chef de l'Etat (photo). Cet énarque de 35 ans a succédé en avril dernier à Aquilino Morelle, contraint à la démission après des soupçons de conflits d'intérêts.
"A l’évidence, Gaspard Gantzer a apporté du professionnalisme dans la communication de l’Elysée", observe dans Le Monde Denis Pingaud, auteur en 2013 de L'Homme sans com' (Seuil), un livre sur les couacs de la communication hollandaise. "Il y a un avant et un après, c’est indiscutable". Mais attention, "François Hollande n'est pas un féru de communicants", tempère son ami Bernard Poignant. "Il s'entoure, voit des gens, mais après, il en fait lui-même son miel".
"La com' n'a jamais fait disparaître le chômage". Surtout, "la com' n'a jamais fait disparaître le chômage", prévient le conseiller. "Le président le sait très bien". Pour Philippe Moreau-Chevrolet, "François Hollande a enfin trouvé un cap, l'esprit du 11 janvier, mais comment faire le lien avec les sujets économiques ? C'est compliqué". Rien de plus dangereux, en communication, qu'un soufflé qui se dégonfle subitement.